Stage projet
Le 7 janvier 2017, ce "traditionnel"
stage, encadré par Bernard Grosjean, a réuni 25 personnes à la salle Vitez du
lycée Rousseau.
Le
stage projet est proposé en priorité aux enseignants qui ont inscrit leur
classe aux printemps primaires ou maternelle. Il a regroupé surtout des
stagiaires débutants en théâtre ainsi que quelques étudiants de l'ESPE, en plus
de quelques habitués plus expérimentés. Après un tour de table où chacun
présente son projet et expose les problèmes rencontrés, Bernard organise la
journée pour faire acquérir les fondamentaux du théâtre éducation en s'appuyant
sur les projets exposés.
Faire
du théâtre en classe entière en effet ne s'improvise pas et nécessite quelques
apprentissages spécifiques (Voir l'ouvrage "Dramaturgie de l'atelier
théâtre" de B. Grosjean, éditions Lansman).
Des principes
Bernard
Grosjean a écrit ce petit ouvrage, véritable manuel pour l'enseignant
pratiquant le théâtre avec sa classe, "Dramaturgie
de l'atelier théâtre, de la mise en jeu à la représentation" (Edtion
Lansman 10€) qui développe toutes les informations rapidement mentionnées au
cours du stage et rapportées ici. Nous renverrons aux pages de ce livre pour
plus amples développements.
Faire
du théâtre avec des élèves, c'est les rassembler autour d'un projet pour
raconter et montrer quelque chose. Alors quoi dire ? quoi raconter ? et comment
pour intéresser ceux qui regardent ? Quelques principes.
- "Jouer c'est faire".
"Jouer,
c'est faire" (Winnicott), et donc faire jouer, c'est faire faire des
choses, s'occuper ! Il faut prendre ainsi le contrepoint de la représentation
traditionnelle que l'on a du théâtre où jouer c'est dire ! Il faut d'abord se
poser la question de l'agir. Faire du théâtre, c'est un jeu, on joue à être un
autre, un loup, un crayon (projets proposés), il faut donc apparaître autre et
le faire croire, exister par la fiction, se faire oublier en tant que personne.
Cela suppose de nombreux essais, sans mettre en danger les élèves (donc jamais
seul, libert de ne pas jouer…) et dans des rôles très divers.
Tous
les élèves doivent être occupés sur le plateau. Les faire jouer c'est donner à
faire à chacun, occuper physiquement et psychiquement : savoir qui je suis. Qui
est-on ? Où est-on ? Que fait-on ? C'est le moteur de l'activité. Alors,
ensuite seulement, viendra le dire, sinon on risque de dissoudre le jeu et
d'ennuyer le spectateur par "de la récitation en costume" comme
dirait Mnouchkine.
- L'espace de jeu est tracé au sol pour marquer la différence personnage/élève, dedans/dehors (photo 1).
Distinguer aussi l'espace spectateur et les coulisses, espace de transition où on se prépare à entrer en scène, espace aussi délimité par des paravents qui permettent de se cacher.
Les élèves en position de "spectateurs" ont toujours une attitude bienveillante qui respecte les joueurs
Enfin l'animateur doit se situer sur le côté pour avoir une vision des joueurs et des spectateurs et ne pas être le destinataire privilégié des joueurs.
- Réagir à ce qui se fait ou se dit sur
le plateau. Le groupe est un ensemble vivant, en interactions. Si le vent se
lève, on le verra par les manifestations de tout le chœur.
- Alternance jouer/regarder : On
travaille toujours sous le regard des autres. Ce regard est important car
l'acteur ne se voit pas. Le groupe spectateur réagit et signale aux joueurs ce
qu'il a aimé, ce qu'il n'a pas compris… Les retours conduisent à formuler des
propositions qui seront suivies d'un rejeu par le groupe d'acteurs. Procéder à
de multiples essais ne fait pas perdre du temps car tous acteurs et spectateurs
voient si ça fonctionne ou non.
La distribution
Ne jamais commencer par la distribution, celle-ci
ne se fera qu'à la fin. On ne peut pas savoir avant d'essayer si le rôle
convient; chacun doit d'abord essayer tous les rôles. Ainsi tout le monde
s'essaie à jouer la sorcière te tout le monde voit comment on se projette dans le
rôle et comment on fait croire aux autres qu'on est une sorcière. Sinon on
prend le risque de s'enfermer dans une vision trop précise et on s'enferme, on
ne peut plus évoluer.
- Séquençage, titrage (p.93) L'histoire ne peut être
jouée dans son entier. Il importe d'abord de la découper pour en faire un
canevas sur le mode de la musique. On aborde une œuvre mesure par mesure.
Chaque étape est alors titrée. Cela suppose en amont que l'enseignant a organisé
le texte en séquences. Par exemple, le texte d'origine est découpé en une
dizaine de séquences avec des titres explicites, titres qui sont affichés, le
titre indique le programme de chaque séquence théâtre. On évite ainsi d'être
écrasé par l'ensemble. Ce plan de travail est connu des élèves, et l'animateur
rappelle le titre au début de chaque séance. Il peut être même affiché.
On
n'est pas obligé de commencer par la première étape mais plutôt par celle qui
va mettre le groupe en appétit. Ensuite on procédera au montage et au
"collage".
- Le cercle de parole (p.32 instituer le groupe). La
séance commence par la formation du cercle pour
informer sur le projet et les
objectifs de la séance.
- Tout le monde essaie : tout le monde est acteur du
projet et ne se limite à appliquer les directives d'un metteur en scène ! On
multiplie les essais selon les propositions des élèves ou de l'enseignant. - Le
tirage au sort pour créer les groupes lors du travail de chaque tableau
facilite la composition, les participants ne choisissent pas avec qui ils
jouent et les groupes se recomposent à chaque fois.
… Et chaque groupe propose une manière de
jouer, par exemple comment incarner le loup ou faire la forêt.
- Les
propositions de jeu se font sous le regard des autres groupes, elles sont de
courte durée, trente secondes suffisent. La scène est simple, concrète, avec un
inducteur de jeu comme un objet par exemple. Les spectateurs ne font aucune
remarque sur le jeu pendant son déroulement.
- Ce
bref temps de passage sur scène et une rotation rapide permettent aussi de
capter davantage l'attention des "spectateurs".
- Le
mot magique "Et si…" "la
sorcière avait des lunettes…" pour créer des ouvertures. On peut apporter
pour la séance des paires de lunettes ou gobelets ou morceaux de tissu… tout
élément inducteur de jeu et pouvant ouvrir l'imaginaire.
- Chaque étape est travaillée en
soi, sans se
préoccuper de la suite, sinon on tombe dans le piège du "nœud
coulant", le projet est étranglé par les choix effectués dès la première
scène. On peut commencer par la scène la plus dynamique. Ensuite on "colle
les morceaux". (p.106 la transition entre les scènes)
- La répartition des rôles (p.96). Comment faire jouer une
pièce à trois personnages par une classe de 25 élèves ? Un personnage peut être
joué par un chœur de plusieurs élèves ou bien successivement par différents
élèves, à condition que le personnage garde toujours le même signe distinctif
(écharpe, bonnet, blouson…)
- ratio essais / représentation. Les
placements, les textes, les déplacements, tout doit être assuré et cela demande
du temps et on ne peut le compresser ni augmenter le rendement ! Ainsi, on
calcule une heure de travail pour une minute de "jeu maîtrisé" et
cette "maîtrise" est nécessaire pour le plaisir des spectateurs et
celui des joueurs. Il est donc indispensable de produire des
"modèles" réduits !
- "Le secret",
C'est
un point fixe convenu, il peut être matérialisé en fond de salle. Les joueurs
le regardent en entrant sur le plateau, c'est un point d'accroche qui leur
donne de l'assurance, aide aussi à donner une cohésion au groupe, au chœur.
On
commence simplement par accepter d'être regardé car "même sans rien faire,
je suis intéressant" ! Les jouerus se presentent dos public puis sur une
musique ils se retournent, regardent le secret pendant une vingtaine de
secondes. On peut ensuite proposer des intentions, des émotions : déterminé,
content, fier… avec l'aide d'une musique appropriée. (projet : La couleur des
émotions). Le "secret" permet de se rassurer, donne de la tenue. Les
jouerus se tourent ainsi vers le public, lèvent le visage et évitent de se
recroqueviller sur eux-mêmes.
- L'espace.
Comment
apprendre à se disposer sur le plateau, à occuper l'espace ? La consigne
demande à chaque groupe de choisir trois figures géométriques. Figure de départ
: chaque groupe est aligné en fond de plateau, chacun a mémorisé ses places et
ses déplacements. Au signal, on change de figure. L'important est d'affirmer
avec certitude la figure, on sait où on va et la tâche à faire.
Ensuite
on interprète le mouvement sur une musique qui transmet l'intention. Le départ
s'effectue derrière le paravent et on évite la sortie de dos. On effectue un
arrêt avant de rentrer dans les coulisses avec un regard public.
On
recommence la même figure en rajoutant une consigne : chaque groupe décide d'un
style ou d'une atmosphère (ivresse, défilé de mode, cirque…) et utilise un
signe vestimentaire qui reforce le chœur (chaussure à lamain, sac, en
chaussettes…) (photos)
On expérimente les projets
La guerre des couleurs (CE/CM)
-
Scène : Barberusse s'adresse aux bleus, aux
gardien des bleus de prusse. Il leur présente le nouveau drapeau bleu, bleu,
bleu. Un bleu sort son mouchoir, il est d'une autre couleur ! Effroi ! La
milice asperge le mouchoir qui devient bleu.
D'abord
repérer les éléments à montrer : un dictateur, une milice, une foule soumise,
un drapeau bleu… puis les "images" à construire d'abord en tableaux
fixes : le rassemblement, la cérémonie avec la sortie du drapeau… (Ne pas
hésiter à nourrir l'imaginaire des élèves en leur montrant des modèles de
cérémonies diverse)
Les
stagiaires sont divisés en deux groupes. Quelques contraintes sont imposées :
L'image doit se constituer à vue, Barberusse doit être plus haut que les
autres, un grand tissu bleu sera utilié comme inducteur (il faut donner à voir,
attirer l'œil). Chaque scène se réduit d'abord à une image, ensuite on affinera
les détails : on grossit les réactions, on peut jouer même au ralenti
l'étonnement, la peur, on grossit les différences (énorme drapeau et tout petit
mouchoir) et on décompose les actions : sortie du mouchoir, on s'écarte, on
voit et on réagit pour faire voir…
"C'est chez moi"
Lézard rentre chez lui en chantonnant. Mais lorsqu'il
arrive chez lui, un serpent y est déjà installé. Il faudra que Lézard soit très
malin pour déloger le serpent.
Poser le
problème dès la première scène, en aprticulier l'espace lui-même qui est
important et qui va structurer le jeu. A qui appartient le rocher ?
Consigne
à chacun des quatre groupes : créer une image de rocher et faire apparaître les
serpents avec les moyens du bord qui sont tirés au sort : estrades, tissu,
chaises, tables. (photos)
Puis
après la présentation, on procède toujours à des propositions de rejeu en
formulant de nouvelles consignes ou de nouvelles contraintes : faire le tour
d'abord des rochers puis ensuite rester sur le rocher, mettre les estrades
verticales… c'est-à-dire chercher d'autres possibilités avec les mêmes
contraintes.
Mais
comment évoquer les serpents ? travailler l'expression du corps, proposer un
accessoire sur quoi s'appyer par exemple un tuyau de tissu en jersey)
Le loup sentimental
Un loup part gagner sa vie, "Au revoir grand-frère,
au revoir !". Le lop doit dévorer la chèvre, le cochon, le chaperon rouge…
mais il ne le peut pas car à chaque fois la victime lui fait pitié.
Principe
de jeu : parcours à répétition.
Utiliser
un paravent. On le tire et derrière on découvre les nouveaux personnages (en
image), mais il faut à chaque fois créer la surprise, varier les images.
Consigne
de jeu : départ du loup avec la chanson des frères, Au revoir de la famille
devant le paravent.
Le loup
fait un tour de piste et à chaque tour, il fait une nouvelle découverte
derrière le paravent.
En
classe : expérimenter comment jouer un cochon, une chèvre, le chaperon rouge. A
chaque fois les personnages sont joués par des élèves différents, surtout le
loup. Puis les élèves formulent leurs choix. Comment mobiliser les 25 élèves ?
On peut créer des chœurs de quatre loups (ils portent un foulard rouge),
travailler leurs réactions en les agrandissant face public. Le chœur donne plus
de force au personnage et plus d'assurance aux joueurs. Attention au piège de
la répétition qui peut ennuyer le spectateur, bien penser aux variations dans
la façon de tirer le paravent, de faire le tour de piste… Les loups ne sont pas
obligés de regarder les autres personnages qui apparaissent derrière lui alors
qu'il regarde le public et lui fait part directement de ses réactions. Le
parcours sera "sentimental" ! musique de Shubert ? il porte un
bouquet de fleurs ?
Le Roi aux oreilles de cheval
Une seule personne au monde a vu les invraisemblables
oreilles du roi : son coiffeur! Un secret trop lourd. Son médecin lui conseille
de confier ce secret à la terre. Mais la vérité ne se laisse pas enterrer si
facilement... et sur la terre pousse un roseau qu'un ménestrel coupe pour
tailler une flûte. Une flûte ensorcelée puisqu'elle chante “Le roi Marc a des
oreilles de cheval !”.
Travail
sur les chœurs :
Première
image: arrivée de la cour et du roi. Quand le coiffeur entre la cour en
demi-cercle se retourne pour que le coiffeur découvre le secret du roi.
Deuxième
image : Le coiffeur chez le docteur. Même entrée mais avec un chœur de docteurs
et le chef de chœur formule le conseil puis chœurs de roseaux qui se lèvent…
J'ai trop peur
Récits horribles de Francis, le grand troisième, sur la
vie en sixième à la cantine, dans la cour, dans les couloirs, en classe, les
fringues…
D'abord
comment repérer chaque moment et animer chaque scène, faire l'image du
cauchemar de chaque moment, travailler le personnage en action avant le texte.
Ensuite replacer le texte sur les images. Le "petit sixième" se détachera alors
seul de l'environnement de troisièmes.
Les couleurs de
l'émotion
Chaque émotion est symbolisée par une couleur. On
constitue cinq groupes de trois, chaque groupe aura à chercher et à proposer
une image de l'émotion, regard "secret", sur une musique. Puis il
dira un court texte sur le ton de l'émotion : tristesse, joie, peur, sérénité,
colère.
Les crayons de
couleurs
Chaque gourpe effectue une propostion de boite de
crayons de couleurs (photo)
Beaucoup de travaux mettent en scène des albums
mais deux des pièces proposées par le concours "Les jeunes lisent du
théâtre" ont été choisies par des classes de CM : "Mon ami le
banc" d'Emmanuel Darley et "J'ai trop peur" de David Lescot.
Nous espérons voir cette année aussi quelques pièces des éditions théâtrales
sur scène.
Marcel Le Bihan