Le chœur (2)
Ce stage animé par
Didier Lastère, du théâtre de l’Ephémère, s’est déroulé dans la salle de théâtre du lycée Rousseau de
Laval les 13 et 14 janvier 2007. Il a regroupé une quinzaine
d’enseignants.Un stage sur le choeur avait déjà eu lieu en 2004 avec le
même comédien, metteur en scène, mais l’enjeu artistique et pédagogique
méritait que nous nous penchions à nouveau sur cette question. D.Lastère nous
rappelle en préambule que le choeur permet à tous les élèves d’être impliqués
dans l’action théâtrale (et non d’être en attente de jeu dans ou hors scène),
d’être toujours présents dans l’espace scénique pour prendre en charge les
différents éléments de la représentation et ainsi d’affirmer la théâtralité du
projet. Le chœur apporte une distance proprement théâtrale à l’action jouée (le
joueur est là en tant qu’acteur et personnage)
Les types de chœurs
Didier Lastère définit
plusieurs fonctions possibles du chœur :
Le chœur-témoin qui représente en quelque sorte le public sur
scène à la manière du chœur antique qui interpelle, pose des questions au nom
du peuple/public
le chœur-action qui agit
ensemble
le chœur-récit qui raconte l’histoire
le chœur scénographique qui, à la manière des
serviteurs de scène, met en place les différents éléments utiles à la
représentation (décor, objet, son, lumière…)
le chœur atmosphérique lié au précédent (avec un arrosoir, il peut faire
pleuvoir sur les personnages ou faire neiger…)
le chœur marionnettique qui manipule les acteurs soit
pour les amener sur l’espace scénique (à la manière des acteurs de Bunraku du
théâtre japonais traditionnel) soit pour les faire disparaître, soit pour les
maquiller, soit pour les costumer…
Quelles que soient les
fonctions du choeur, l’acteur-choreute
doit être dans un état physique particulier : une espèce de vibration
physique, une palpitation, prête à tout moment à l’action, y compris dans une
immobilité active. Le groupe doit apprendre à respirer ensemble, à regarder
ensemble. Pour que le chœur vive, il faut aussi apprendre à l’effacer parfois
afin qu’il revienne avec plus de force. Le chœur fonctionne dans l’urgence .
Exemple
d’échauffement choral dans
l’espace
Très serrés, on constitue une sorte
de noyau, neutron. Puis on se disperse
dans l’espace sans jamais oublier les autres. On essaie d’élargir l’espace dans
lequel le chœur se déplace. On ne regarde personne précisément mais le regard
panoramique de chacun lui permet de voir tout le monde. A un moment le coryphée
(préalablement désigné) crie : « Oh » et regarde une rangée de fourmis qui se déplacent au sol
devant lui. Tous les autres en silence le rejoignent, se placent à côté ou derrière
lui et regardent la même rangée de fourmis.
Quand les fourmis imaginaires
sont passées, on se relève, on communique par le regard, heureux d’avoir vu
passer ces fourmis, puis le chœur éclate à nouveau dans l’espace.
On peut reconvoquer (avec un
nouveau coryphée) l’exercice avec variante : ce ne sont plus des fourmis
mais un vol d’oiseaux …
Autre
échauffement possible sur le principe d’urgence propre au choeur :
Le chœur constitué court sur
place face public. Il regarde devant lui. Petit à petit la fatigue monte et un
danger arrive derrière lui. Le danger s’approche. Epuisés, les membres du
choeur continuent à courir ensemble, à se soutenir pour ne pas s’écrouler.
L’exercice est accompagné d’une musique obsédante et inquiétante qui maintient
le choeur dans cet état de peur et de fatigue croissante jusqu’à un coup de feu
qui retentit et fait s’écrouler à terre
le chœur.
Echauffement
du chœur musical :
Quatre rythmes différents sont donnés à quatre
groupes par l’adulte. Les différents rythmes sont tenus alors que l’ensemble du
chœur est en cercle puis le chœur éclate et chacun doit garder le rythme propre
à son groupe sans le déformer ni le ralentir ni l’accélérer. Au top les membres
des 4 groupes reviennent en un même
cercle en continuant à affirmer leur rythme.
Echauffement choral avec objet
Exercice emprunté à Meyerhold.
Chacun prend une chaise, la
déplie, la pose, s’assoit, la replie et revient à la position initiale, chaise
dans la main.
Cet exercice se fait selon
différents rythmes (lent, rapide) en essayant d’être ensemble sans coryphée
(chef de chœur). Tous les membres du choeur sont éclatés dans l’espace et ont
le regard et le corps placés dans des directions opposées. Pour qu’il n’y ait
pas déperdition du geste , l’ attention de tout le groupe doit être
constante (attention à son geste mais aussi aux gestes des autres pour rester
dans le même rythme collectif). Cet exercice peut avoir des variantes
émotionnelles :
- je suis de mauvaise humeur
et je vais voir mon patron pour une augmentation
- je suis heureux car je vais
voir ce matin mon amoureuse..
A l’issue de ces différents
échauffements choraux, Didier Lastère nous propose de travailler en deux
groupes sur deux textes différents :
Le cercle de craie caucasien de Brecht
Une des premières scènes où,
dans la cour du palais du gouverneur, les domestiques courent partout au milieu
de l’incendie pour essayer de sauver les objets de leurs maîtres alors que
Groucha , la domestique, et Simon, son amoureux, se quittent pour longtemps.
Commande : comment faire
apparaître un moment d’intimité (le duo d’amour de Groucha et de Simon) dans un
grand chambardement. Le choeur sera constitué de domestiques, chœur- action qui
fait avancer l’histoire, mais aussi chœur-récit qui nous raconte l’histoire,
mais aussi chœur-scénographique qui peut apporter des objets aux acteurs
(exemple, une fleur dans les mains de Simon..)
Le Petit Chaperon Rouge de Joël
Pommerat
Un chœur récit est en scène
(le texte de Pommerat fait la part belle au récit).
Commande : comment le
personnage du petit chaperon se dégage-t-il du chœur ?
Comment le choeur habille-t-il
le chaperon ?
A quel moment le loup est-il
convoqué et habillé par le choeur ?
Si le chœur est scénographique, que
fait-il ? Si c’est l’automne, il peut jeter par exemple des feuilles
devant les pas du Chaperon…
Cette naïveté scénographique due au chœur est très belle,
nous dit Didier, car ce sont des moments artisanaux et poétiques. Le choeur
peut aussi faire la régie lumière avec de simples lampes torches (ou des par
basse tension avec fil que l’on trouve dans les magasins de son à 20
euros !)
S’il y a besoin de musique,
sur scène, le choeur peut l’apporter (ex un transistor pour le chaperon qui se
promène dans la forêt)
Mais pour que ça marche,
chaque action doit être précise, mise en valeur par l’attention aiguë de celui
qui agit et un regard précis de tous ceux du chœur qui regardent.
Enfin pour mettre en valeur
l’image et l’action des personnages manipulés par le choeur, les choreutes
peuvent aussi, à la manière des acteurs de bunraku, être tout en noir comme des
marionnettistes qui s’effacent.
Tout est donc possible et nos
élèves, loin d’attendre leur tour sur scène,
peuvent grâce à ce travail de chœur
être totalement impliqués dans l’ensemble de la représentation.
A vos imaginations
maintenant !!
Dany Porché, mai 2007