Compte rendu du travail effectué par Marie-Anne
Bouchon au cours de l'année 2013/2014 pour mettre en scène cette version du conte,
présenté au printemps théâtral puis à la fin de l'année à Ahuillé.
Le choix de l'album
Le
projet de départ était de monter un conte traditionnel. Pourquoi pas Le Petit
Poucet ? C'est en évoquant cette piste de travail avec le comédien que ce
dernier propose une adaptation récente du conte : "Journal secret du Petit
Poucet" de Philippe Lechermeier et Rébecca Dautremer pour les
illustrations aux éditions Gautier Languereau, un gros et magnifique album de
200 pages ! Les superbes dessins très variés, portraits, croquis, collages,
écritures maladroites de Poucet, - c'est son journal personnel ! - et l'humour
constant au fil des pages en font un ouvrage passionnant à feuilleter et à
lire.
Mais ce qui incite à le mettre en scène avec
une classe de CM2 de 28 élèves, c'est que cette histoire est foisonnante de
personnages ! En effet, en plus de Poucet et de ses six frères, du père et de
la belle-mère Popette, de l'Ogre, Barabas Barbak, de sa femme Gringuenaude et
ses sept filles, on y trouve aussi la bande copains d'école des Poucet, le
petit voisin et sa sœur amoureuse de Poucet, la fille du Seigneur, Crémence… et
pourquoi pas rajouter le Seigneur lui-même et ses serviteurs ? Les rôles sont
multiples et surtout les chœurs sont tout trouvés. C'est également un chœur qui
prendra en charge le récit, à la place de Poucet – un journal, ce n'est pas
très théâtral ! Reste à trouver comment jouer l'Ogre !
Découverte du récit
L'atelier
théâtre ne débute jamais avant la Toussaint. Les élèves vont d'abord commencer
par lire le conte traditionnel de Perrault. Ils en font le découpage en
séquences auxquelles ils donnent un titre. Ces titres sont inscrits sur une
feuille de paperboard qui restera affichée dans la classe pendant toute la
durée du projet, point de repère des différentes étapes. Puis l'enseignante lit
à la classe le "Journal secret du Petit Poucet" durant six semaines
au rythme de deux ou trois lectures par semaine. Inutile de dire l'enthousiasme
des élèves quand on leur propose de jouer cette histoire ! Ce sera l'objet d'un
travail d'une heure trente chaque semaine, et jamais l'intérêt ne tombera. Ce
projet est un fort moteur d'investissement pour la durée de l'année scolaire.
Le théâtre permet de travailler l'EPS, le français et l'expression orale, les
arts plastiques. Il faut plutôt parfois contenir leur énergie dans la recherche
de costumes ou d'accessoires !
Un entrainement au jeu
dramatique
Le
travail proprement dit sur le texte ne commence pas avant Noël. Les premières
séances sont consacrées à des exercices traditionnels de jeu dramatique : jeux
d'écoute, travail sur le "secret", exercices de chœurs et choryphées,
situations qui créent la confiance… Puis des exercices qui s'appuient sur des
extraits du texte à venir et préparent déjà le jeu sur scène comme, par
exemple, le jeu des foulards ou le combat de chœurs. Le jeu des foulards consiste à
placer sur le sol, en carré, quatre foulards de couleurs différentes. A chacun
est attribué une émotion : peur, moquerie, colère, timidité (émotions en lien
avec le spectacle). Quatre élèves se placent chacun devant un foulard et
doivent dire une réplique sur l'émotion correspondant au foulard, puis on
tourne. Le reste de la classe assiste et commente à la fin. Le même exercice
est fait plus simplement en classe, l'émotion étant signifiée sur la feuille en
même temps que la phrase à dire. Ce sont souvent quatre répliques qui
s'enchaînent, appartenant à une même scène
- Un jour sans
école est aussi triste qu'une nuit sans étoile. " Sur le ton de la
surprise "
- Il fait beau sur
un nuage, la nuit, quand il pleut. " Sur le ton de la tristesse "
- Nous n'aimons ni
la grammaire ni le chocolat. " Sur le ton de la colère "
- Soupe aux
cailloux, soupe aux os, soupe aux vers de terre... Miettes... . " Sur le
ton de l'ennui "
- Au menu ce soir,
une cane , un mouton, un veau et 7 garçons ! "Sur le ton de la
gaieté"
- Il y avait dans
son corset, les bijoux précieux de sa mère, quelques écus et un coffre fermé à
clé. « sur le ton de la peur »
- Un jour sans
école est aussi triste qu'une nuit sans étoile . " Sur le ton de la
surprise "
- Il fait beau sur
un nuage, la nuit, quand il pleut . " Sur le ton de la tristesse "
- Nous n'aimons ni
la grammaire ni le chocolat. " Sur le ton de la colère "
- Soupe aux
cailloux, soupe aux os, soupe aux vers de terre... Miettes... . " Sur le
ton de l'ennui "
- Au menu ce soir,
une cane, un mouton, un veau et 7 garçons ! "Sur le ton de la
gaieté"
- Il y avait dans
son corset, les bijoux précieux de sa mère, quelques écus et un coffre fermé à
clé. « sur le ton de la peur »
Le combat de chœur mobilise la
moitié de la classe, les autres sont spectateurs. Quatre chœurs, ABCD, sont
répartis dans l'espace de jeu. A chacun est attribuée une émotion que personne
d'autre ne connaît : agressif, en colère, joyeux, timide… Au signal de
l'enseignante : "A et C !" les chœurs entrent en mouvement, ils
doivent trouver une démarche, une attitude qui exprime l'émotion imposée. Le
public élève doit évidemment trouver ce que chaque chœur exprime. Ces exercices
préparent les mouvements de chœurs prévus dans la pièce : le chœur des enfants
affamés, en colère… S'il y a un doute pour les observateurs, il faut reprendre
l'exercice à l'aide de leurs conseils éventuellement.
D'autres
exercices de ce type sont effectués à chaque début de séance, comme
échauffement.
Une séance de travail
Elle
débute souvent par le "Ya" et le "Top" ! (Voir annexe
séance 1). Ces deux exercices ont pour objectif de mettre les élèves en train,
de les dynamiser, de les concentrer, de mobiliser leur énergie et leur écoute
des autres. En quoi consistent-ils ?
Le "Ya" est une
version personnelle et plus variée du "
", pratiqué en stage. Les élèves sont en cercle, l'un envoie son
"Ya!" à son voisin, accompagné d'un geste énergique, le son fait alors
le tour du cercle et se termine souvent au début par un affaissement de la voix
et du geste ! Il faut alors reprendre. Puis on diversifie les propositions :
"All down!" et tout le ya change de sens, "Samba" et tout
le monde danse en traversant le cercle pour en reformer un nouveau,
"Ascenseur" on descend, ou on remonte , "Premier
étage!" et un élève envoie un mot à son voisin qui enchaîne très
rapidement avec son propre mot par association d’idée, on rentre alors dans une ronde des mots…
Le
"Top" : les élèves se déplacent dans la salle, au "top", on
s'arrête, l'enseignante lance une phrase, très vite une phrase du texte qui
sera joué (car les élèves ne savent pas encore), au nouveau top, les élèves
doivent exprimer à travers leur démarche, leur attitude le contenu de la phrase
: ""Vous n'avez rien mangé de la journée et la faim se fait
sentir", "Il fait froid, vous êtes au milieu de la forêt" (voir
annexe ). Ensuite après cet échauffement, on travaille une scène de la pièce.
On
peut faire des variantes : au top vous devrez être par 4, au top vous
devrez être par 3, on ajoute ensuite, au top par 7 vous faîtes une image de
naufrage ....
Partir d'une image
Très
tôt, les élèves se familiarisent avec le théâtre image. Ils s'entraînent à
réduire une scène en une image fixe. Le conte, réduit en douze phrases, est
distribué à quatre groupes d'élèves (v. annexe 2 liste des phrases). Chaque
groupe recevant trois phrases dispose de cinq à six minutes pour créer une
image fixe évoquant la situation exprimée. Ces images sont montrées ensuite aux
autres groupes qui commentent et
proposent des améliorations. Certaines de ces images vont se retrouver dans la
production finale. Mais ce travail fait aussi comprendre très tôt aux élèves
que le théâtre n'est pas nécessairement du texte ! Ils découvrent que l'on peut
très bien bâtir un décor avec les corps des acteurs. C'est ainsi qu'est née la
forêt après la question "Madame, est-ce qu'on peut jouer les arbres
?". Ils comprennent que le théâtre ce n'est pas dire du texte mais faire
exister des situations, raconter avec le corps. Le travail de groupe permet à
tous d'être actifs, de proposer des images, des mises en scène afin de choisir
ce qui leur semble le plus adapté. Et l'enseignante peut aussi repérer ceux qui
semblent le plus à l'aise dans un rôle.
De l'album à la pièce
Comme
pour tout projet de théâtre avec une classe de primaire, le premier travail
consiste en une réduction du texte de départ pour ne pas surcharger les élèves
de texte, et son adaptation en forme
théâtrale si l’on part d’un album. Cela est encore plus nécessaire pour un
aussi gros livre ! Comment alors passer de deux cents pages à … six pages et
douze scènes ? C'est le travail en amont de l'enseignante. Que garder de
l'histoire ? D'abord la trame du conte traditionnel. On a éliminé en effet
toutes les nombreuses aventures annexes vécues par Poucet mais pas l'attaque du
château du Seigneur qui permettait de passer de "La grande Privation"
à "La Grande Distribution" ! Pour mobiliser les 28 élèves, on
maintient des scènes à multiples personnages et surtout tout ce qui nourrit les
travaux de chœurs : chœurs conteurs, chœur qui présente les personnages, chœurs
accessoiristes (v. annexe sc. 8) et bien sûr les chœurs proposés par les copains
d'école, les filles de l'ogre… Les paroles des personnages sont aussi celles du
texte initial.
Images
- Le Petit Poucet
fait signer des engagements à ses frères avant de les ramener à la maison.
- Le Petit Poucet
Perché voit une lumière. L'espoir renaît
- Les sept frères
perdus dans la forêt. C'est la nuit, il fait froid.
- Les enfants sont
découverts par l'ogre.
- Le Petit Poucet
échange les couronnes et les bonnets.
- Le 1er retour à
la maison. Le père se réjouit, la Belle-mère se dépêche de tout manger.
- Le Petit Poucet
récupère les bottes de sept lieues. - Les frères sont effrayés. L'ogre dort.
- Les enfants
ramènent le trésor de l'ogre à la maison.
- L'ogre égorge ses
filles.
- L'ogre dévore son
repas mais … « ça sent la chair fraîche ! »
- Le petit Poucet
sème ses cailloux.
- Le petit Poucet
cherche les miettes de pain, et ne les trouve pas. Ses frères sont eux aussi
inquiets.
Le comédien
AMLET prend en charge
l'intervention de quatre heures d'un comédien dans les classes qui participent
au printemps théâtral. C'est ainsi que jacques Faucon de la Houlala compagnie
de Sablé a accompagné le travail de la classe de CM2 d'Ahuillé. Comment
travailler en partenariat avec un comédien qui n'intervient que quatre fois
dans l'année (et même un peu plus!) ? C'est bien sûr l'enseignant qui formule
des propositions de mise en scène. Dans ce cas présent il y a eu une rencontre
pour discuter du projet en amont des séances, et des échanges par mail
lorsqu’une difficulté de mise en scène surgissait. Les séances de l’enseignante,
les exercices pratiqués dans la phase d’atelier sont aussi envoyés par mail au
comédien, ce qui lui permet de suivre les avancées. Quand il intervient, à
partir du mois de février, la classe présente le travail qui a été mené et le
comédien propose de retravailler certaines parties. Par exemple, il fixe les
déplacements, précise l'attention des chœurs, indique une démarche aux acteurs
qui viennent formuler les différents surnoms de Poucet : exotiques, méchants,
botaniques… Il donne du rythme aux interventions. Il donne aussi des pistes de
mise en jeu comme la scène de présentation des parents, le réveil des mioches
(la belle- mère Popette leur marche carrément dessus !), il cale le placement
des chœurs, délimite un espace de jeu au centre pour que les répliques y soient
dites et comprises. Les élèves qui jouent les arbres de la forêt ne
risquent-ils pas de s'ennuyer ? Il propose alors qu'un choryphée leur imprime
le mouvement de balancement du vent, et si une position les fatigue, le
choryphée en change et les autres arbres suivent. Comme on le voit, il s'appuie
sur le travail commencé et fournit à l'enseignante des pistes pour les séances
à venir. On ne peut lui demander de réaliser toute la mise en scène en si peu
d'interventions. C'est lui qui donnera
quelques conseils sur le maniement de la marionnette qui représente l'Ogre pour
la rendre plus vivante, car l'énorme personnage a été construit par une
collègue très habile avec le papier mâché. C’est une marionnette de plus de 2
mètres (voir photo), sur des roulettes, avec des bras et une tête mobiles.
Trois élèves seront acteur-manipulateur lors du spectacle. (L'année précédente,
c'était un arbre gigantesque que les CE2-CM1 avaient réalisé !)
Après les stages
"projets"
Depuis
de nombreuses années, l'enseignante suit les stages "projets"
d'AMLET, encadrés par Bernard Grosjean. Qu'en a-t-elle retenu ?
L’importance
d’occuper un maximum d’élèves sur scène simultanément pour éviter le temps
d’attente en coulisse qui démobilisent les troupes, notamment lors des séances
de travail, d’où l’utilité du travail en chœur.
Se
simplifier la vie, point trop de costumes compliqués, de décor, on réduit à
l’essentiel avec les moyens du bord : 3 chapeaux feutres, des vêtements
noirs et voilà trois loups.
Avoir
une base de matériel qu’on réutilise tous les ans : un rideau noir, un
portant et des cubes noirs.
Travailler
les images avec les élèves pour éclairer le récit, même si elles se fondent
dans la mise en scène après.
Avoir
bien en tête le déroulement des scènes et le fixer pour les élèves avec un
travail sur les images.
L’important
en primaire au départ c’est le jeu, donc le corps, le texte vient après. Il
faut casser les images d’Epinal que les élèves et les parents ont du théâtre,
sortir de la récitation de texte interminable.
Le
théâtre est avant tout une aventure collective, où le plus important est d’être
à l’écoute des autres et au service d’une histoire.
Marianne Bouchon
Scène 8
Tout le monde est
endormi, on entend un gros bruit de pas, l’ogre apparaît (marionnette manipulée
par 2 ou trois enfants) Poucet se réveille, et s’approche pour espionner
Le chœur : Barrabas
Barbak, ogre de première classe, catégorie très lourd, 358 kg et deux mètres
trente au garrot)
Le chœur installe
la table et la chaise et apporte les victuailles que la Gringuenaude apporte au
fur et à mesure à l’ogre, peut-être un paravent pour Poucet ?
L’ogre : Et le dessert ?
La Gringuenaude : Euh.... Tu comprends, comme j’ai congelé le dernier marchand de
glace, forcément , il n’a pas pu repasser pour en livrer...
L’ogre (rugissant) : Quoi, c’est
une plaisanterie ?!!!
La Gringuenaude : Ah mais j’y
pense, il y a 7 jeunes garçons qui sont arrivés ce soir. Ils dorment dans la
chambre 9. Tu verras, ils sont jeunes, ils ne sont frais, pas très épais mais
avec une crème au beurre, ils feront l’affaire.
L’ogre se lève pour
aiguiser son couteau que le chœur lui amène.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
L’ogre : Femme prépare la
crème au beurre. Le chœur amène la casserole et la cuillère.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
L’ogre : Avec six seau de sucre.
Le chœur amène les seaux.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
L’ogre : Et dans quelle chambre
sont ces sept petites têtes ?
Le chœur : Zim, Zim
Zim
La Gringuenaude : Dans la 9
mon chéri, tu ne peux pas te tromper.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
L’ogre : La 9 , celle en face de
la 6 ? Le chœur amène deux cartons avec les numéros des chambres.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
La Gringuenaude : Oui mon
amour.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
La Grineguenaude : je t’aime.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
L’ogre : moi aussi je
t’aime tellement, qu’un jour je te dévorerai.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
La Gringuenaude : Ah au fait,
découpe-les tous les sept, s’il y a des restes on en fera des boulettes.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
L’ogre : ce que femme veut,
Dieu le veut !
Poucet retourne
vers les chambres et tourne les numéros, il récupère les couronnes et les met
sur la tête de ses frères et se recouche.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
La Gringuenaude : Tu verras,
il y en a un particulièrement appétissant, Je crois qu’il s’appelle Boris.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
La Gringuenaude : Et aussi le
tout petit, il se nomme Poucet, il est à croquer.
Le chœur : Zim, Zim
Zim
L’ogre : On le prendra en
amuse-gueule, histoire de rigoler.
L’ogre teste le
tranchant de sa lame.Il se dirige vers la chambre des garçons, regarde le
numéro et se retourne vers les filles. Il amorce le geste de leur trancher la
tête.
Le chœur : Afin de ne pas
choquer les âmes sensibles, cette scène a été coupée. L’ogre a en effet tranché
la tête de ses sept filles.
On entend quand
même le bruitage fait par le chœur. Lorsque le chœur se retire On voit les 7
filles têtes inclinées, le chœur change le drap et en met un ensanglanté.
Pendant ce temps, Poucet réveille ses frères et ils se sauvent.
Noir