Lecture au pupitre 1 et 2

Stage Lecture au pupitre (1)
Deux stages de formation à la lecture au pupitre ont eu lieu ce mois de janvier, le samedi 9, de 9h à 17h, organisé par AMLET et le mercredi 20, de 14h à 17h, organisé au théâtre de Laval et inscrit au PDF. Chaque stage a réuni une vingtaine de participants.

Dans le cadre du concours "Les Jeunes lisent du théâtre", AMLET a estimé qu'une formation à la lecture de ces textes était nécessaire. On ne peut envisager la découverte de textes de théâtre par une simple lecture individuelle et silencieuse. Mais une lecture collective à voix haute, adressée  à un public n'est pas un exercice habituel dans le cadre scolaire. Pour encadrer ce stage nous avons fait appel à la Compagnie "Acteurs et pupitres", c'est-à-dire Laurence Cazaux et Patrick Gay-Bellile, compagnie professionnelle spécialisée dans ce genre d'exercice. On a profité aussi de leur venue pour leur demander de présenter deux fois leur propre travail devant un public d'élèves et d'adultes, vraiment conquis et persuadés de l'intérêt de l'activité. (voir encadré).
Les deux stages se sont appuyés sur les textes proposés au concours. Tous les textes se prêtent-ils autant à ces lectures ? "La Grande échappée", un récit proche du conte ne pose aucun problème de compréhension et semble assez adapté, on raconte simplement une histoire. "La Nuit, je n'ai plus peur" est un texte d'aspect plus difficile, dont la construction semble éloignée de l'écriture théâtrale habituelle. Cependant il offre un grand intérêt pour une lecture collective à haute voix comme on a pu l'expérimenter. "Carabus" pose un problème de découverte et de compréhension et nécessite quelques recherches pour une lecture publique. Par contre, nous n'avons pas travaillé "Bonne Chance", non par manque d'intérêt, mais parce qu'il offre moins de possibilités pour sa mise en voix, (choralité et dédoublement de lecteurs difficiles).
Les stagiaires ont expérimenté la lecture de ces textes en groupes, essayant de répondre aux diverses consignes données par les animateurs. Que garder de ces deux journées ? Voici quelques grands principes résumés sous quelques mots clés.

Pupitre
Stage "Lecture au pupitre" par la compagnie "Acteurs et pupitres" ! Alors ce pupitre ? Indispensable ? Peut-être pas mais certainement très utile pour des élèves qui doivent affronter un public.  En effet, le pupitre est une frontière, un rempart derrière lequel ceux-ci se sentent protégés, c'est, comme un masque, une sorte de barrière contre le trac. Cependant le lecteur n'est pas entièrement caché et le corps derrière le pupitre doit aider et non parasiter la lecture d'où quelques règles élémentaires. Le lecteur doit avoir les pieds bien plantés dans le sol, légèrement écartés pour assurer l'équilibre. Les mains sont placées le long du corps ou sur le pupitre, voire sur le texte pour suivre plus facilement le déroulement de la lecture. La tête doit être bien droite. Tout écart à cette neutralité prend sens et attire l'attention : tête penchée, mains ou bras croisés, appui sur une seule jambe, battement de pied…  Et s'ils ne sont pas constuits sciemment ces éléments viennent perturber l'attention de l'auditeur.
Le pupitre peut ensuite être déplacé ou utilisé en fonction du passage lu. Ainsi on a pu exprimer l'évolution du passage de l'état d'enfance à celui d'adulte grâce au mouvement des pupitres qui s'élèvent au fur et à mesure que les personnages avancent en âge. L'opposition entre deux personnages, enfant et adulte, est accentuée par la hauteur de chaque pupitre. Le lecteur lisant "L'Ombre du père" a pu se cacher derière… (voir photos).
Peut-on lire sans pupitre ? Nous avions prévu d'expérimenter la lecture avec comme support un simple bloc et une pince. Il semble que la lecture collective est alors plus difficile car cela demande que chaque lecteur adopte la même posture pour tenir les feuilles, tourner les pages… et tout son corps est exposé.

Lire
L'exercice semble moins évident qu'il ne paraît. La mise en train a été différente dans les deux journées. L'une a commencé par l'exercice des prénoms, une façon aussi de se présenter. On a demandé à chacun d'écrire son nom et un texte bref parlant de soi puis d'aller le lire au pupitre devant l'autre groupe de stagiaires. La lecture s'est faite sans déterminer préalablement un ordre de passage pour développer une écoute entre lecteurs. Il s'agissait de donner à entendre très précisément ce qui était écrit, sans modification, sans invention… en respectant l'exactitude du texte, la ponctuation, la prononciation de toutes les syllabes. Les remarques des animateurs ont montré que cela est moins évident qu'on ne le croit. Toutes les syllabes doivent être prononcées, sans élisions : "Je ne te dis pas" et non "j'te dis pas". Tous les mots ont une égale importance, même "les petits", les négations, les pronoms… Ces modifications qui peuvent paraître légères rendent impossibles une lecture collective d'une même phrase ! Elles modifient aussi la perception du texte, l'auteur marque concrètement les élisions s'il veut que celles-ci soient entendues.
L'autre exercice, l'exercice de la virgule, qui a lieu lors de la découverte collective du texte, consiste à lire en changeant de lecteur à chaque signe de ponctuation. Mais la lecture doit rester fluide, comme si cétait lu par un seul individu. On doit entendre la différence entre les divers signes de ponctuation, ils relancent le lecteur suivant, ou marquent une pause. Le groupe doit être à l'écoute et garder le rythme proposé, ralentir ou poursuivre l'accélaration impulsée… Concernant les liaisons, il n'y pas de règle. Certaines vont s'imposer, d'autres au contraire seront à éviter (ex. les chevaux ailés !)
La lecture impose que le lecteur n'incarne pas le personnage mais transmette le texte. Elle demande un travail très physique, impose "une bagarre avec les mots " et exige un investissement corporel important. Il faut donc éviter que le lecteur n'apprennent son texte par cœur ! Ce que les élèves font rapidement. Il faut alors changer de texte ou permuter souvent les lecteurs. En mémorisant le texte, l'élève mémorise aussi la façon de dire et il ne respecte plus la lecture des autres. La connaissance par cœur du texte pousse au jeu et nous ne sommes plus dans la lecture !

Les regards
La lecture est toujours adressée à un public que l'on doit prendre en compte. Le regard public est donc très important, le lecteur prend un empan de texte et lève la tête pour le donner au public. "Je prends, je donne!". En contrepoint celui qui ne lit pas garde la tête baissée sur son texte. Celui qui prend la parole commence d'abord par un regard public avant de dire le texte pour qu'on repère bien le lecteur dans l'ensemble du groupe. C'est particulièrement important pour le début de la lecture. Le lecteur regarde en face de lui, "comme s'il se trouvait devant le miroir du coiffeur", précise Patrick ! Les regards entre lecteurs sont possibles mais peu nombreux, bien marqués, et à des moments significatifs. Attention cependant à ce que le mouvement de la tête ne devienne mécanique, comme nous l'avons remarqué, il faut qu'il garde sa nécessité.
                  Si les  regards des lecteurs doivent être adressés à un public, dans le cadre du travail scolaire, le regard du public est aussi important. C'est grâce à lui que les lecteurs vont prendre conscience de leur posture, de leurs gestes parasites, des différentes erreurs. Le travail se fait toujours en demi-groupe, l'un au pupitre, l'autre en face, à l'écoute. Le spectateur corrige mais aussi prend conscience lui-même des erreurs à éviter et de leur effet involontaire sur le public.

Entrée, Espace
Comment démarrer ? à vue ou non ? C'est-à-dire les pupitres doivent-ils déjà être placés avant l'entrée des lecteurs ? Ou des lecteurs peuvent-ils venir placer les pupitres devant le public ? Ou encore peuvent-ils apporter leur propre pupitre en entrant sur scène ? Tout est possible mais l'entrée fait partie de la lecture et doit donc être pensée. Venir simplement déposer les pupitre et sortir est à éviter, parce que simplement fonctionnelle, comme on l'a expérimenté. Mais si les "porteurs de pupitres" se positionnent comme "des gardes" pour les chevaliers de "La Grande échappée", leur geste prend du sens ! La première prise de parole est fondamentale. Le lecteur doit attendre que le groupe est tout à fait prêt, tout le monde installé, les pupitres réglés, le silence posé… et il est seul à lever la tête et à regarder le public. Il faut aussi veiller à ce qu'il soit bien visible et donc à ne pas être placé en fond de scène ! Le coryphée est plutôt situé au centre.
Les pupitres ne sont pas forcément alignés. L'occupation de l'espace peut être dictée par les textes : regroupement de plusieurs lecteurs autour d'un même pupitre parce que lisant le texte du même personnage ; un lecteur isolé devant et les autres derrière, regroupés ou éclatés comme pour "La Nuit, je n'ai plus peur" où l'enfant entend les différents personnages : la sœur, l'ami, les camarades d'école…
Les lecteurs et les pupitres peuvent ensuite effectuer quelques déplacements. Mais les gestes, comme les mouvements, doivent être réduits et bien porteurs de sens.

Chœurs
Encore plus qu'au théâtre, la constitution de chœurs est nécessaire pour faire lire une classe entière ! Mais chœur ne veut pas dire que tous les membres d'un groupe vont lire ensemble ! D'abord parce que cela est difficile pour les lecteurs mais aussi pour les auditeurs. Le moment de lecture collective doit être bref et donc avoir un sens précis. La lecture des paroles d'un personnage peut ,en effet, être effectuée par un chœur d'élèves qui diront le texte successivement dans une même énergie. Les quelques mots prononcés en commun renforceront l'unité du groupe. De même les chœurs de gestes  ou de regards seront précis et peu nombreux (geste de la main portée à l'oreille, regard de tous les lecteurs au public par exemple), ils seront d'autant plus efficaces. Geste et parole ne doivent pas se faire en même temps. Les regards publics des membres d'un même chœur peuvent aussi se faire en "tuilage" pour qu'il y ait en permanence le regard public d'un lecteur.
Le nombre aussi fait sens : quatre lecteurs peuvent signifier un "gros" personnage face à un petit seul, quinze lecteurs peuvent signifier un énorme château…

Remplacement
Pour que tout le monde puisse passer au pupitre le chœur-personnage est une solution mais on peut aussi changer de lecteur en cours de l'exercice. Comment alors effectuer ces changements ? Là encore, après avoir expérimenté, nous avons effectué quelques constats. D'abord, il faut donner la priorité au mouvement de celui qui arrive pour effectuer le remplacement plutôt qu'à celui qui quitte le pupitre. Ce dernier doit éviter de se déplacer en marche arrière ou en pas chassé mais se détourner naturellement et aller gagner sa chaise ou son pupitre au fond ou encore se placer dos au public. Le déplacement ne se fait pas sur une parole (toujours séparer geste et lecture !) par contre il peut s'appuyer sur un geste ou un regard. Attention au risque d'installer des déplacements trop lents ou trop cérémonieux ! Il faut changer de place de façon plutôt dynamique.

Rythme
Le texte dit doit être traité comme une partition dont s'empare un collectif. Il est découpé rythmiquement et comporte des variations sur la vitesse (accélérations, ralentis), sur la puissance de la voix (qui s'élève ou s'abaisse), sur la lecture individuelle ou collective… sans oublier la place des silences. Tous les mots sont prononcés, aucun n'est "mangé" et les consonnes bien attaquées. Comment trouver alors un rythme lorsqu'un texte ne comporte pas de signes  de ponctuation ? C'est le cas de "Carabus". Mais on y repère des majuscules. Comment faire la diférence ? On ne peut pas faire comme s'il y avait un point, donc il faut relancer sur un accent tonique indiqué par la majuscule mais sans trop le marquer ! Pas évident ! Et lorsque les phrases sont intrerrompues, surtout ne pas terminer en étirant la dernière syllabe ! Ce rythme sera marqué sur la page à lire par différents signes ou surlignages mais en toute fin pour ne pas figer trop rapidement la lecture. C'est cette rythmique donnée à la lecture qui en fera tout l'intérêt pour l'auditeur.

Musique ?
Faut-il accompagner la lecture de plages musicales ? La musique peut donner une intention ou une énergie. Elle peut aussi trouver sa place en entrée ou en sortie. On peut aussi marquer des ponctuations sonores sous formes de percussions corporelles. Avoir un musicien en direct si on peut… Mais tout cela est à trouver en fin de travail. Attention toutefois à la difficulté de reprendre la lecture après la musique, la voix risque alors de paraître un peu faible !

Ces quelques notes pourront rappeler les nombreux travaux effectués à ceux qui ont participé aux stages  et donner quelques pistes aux autres. Mais rien ne remplace la participation et l'expérimentation pour comprendre ce qui peut paraître simple et évident à celui qui ne s'est jamais exercé. Devant les retours très positifs de tous les participants, nous envisageons déjà de demander à Laurence et Patrick de revenir l'an prochain. Alors on vous attend !
Pour AMLET, Marcel Le Bihan





Stage 2 – Acteurs et pupitres
Les samedi 15 et dimanche 16 octobre 2016, 22 stagiaires ont suivi le stage "Lecture au pupitre"


La reconduction de notre concours "Les jeunes lisent du théâtre", cette année avec les éditions Actes Sud, a naturellement incité l'association à renouveler un stage de formation à la lecture au pupitre. Celui-ci a été placé très tôt dans l'année pour permettre aux enseignants de mettre en place très vite dans les classes la lecture des textes sélectionnés.
Nous avons de nouveau fait confiance à Patrick et Laurence (Cie Acteurs et pupitres) pour l'encadrement comme nous l'avions décidé à la fin des stages l'an dernier, au vu de la satisfaction des participants.
Ce compte-rendu succinct apportera quelques compléments à celui des pages précédentes.

Rappels de quelques principes
Le pupitre, à la fois un masque pour se protéger et lien avec le public, est un objet à apprivoiser. C'est une "petite maison" avec sa petite rigole où l'on peut ranger quelques instruments, comme une cloche (voire un lecteur de mini-disque avec une enceinte au pied) qui rassure et en même temps qui libère car alors les mains peuvent aussi jouer. Le lecteur n'est pas enfermé dans sa bulle, la lecture est adressée à un public auquel s'adresse régulièrement le regard. Mais c'est aussi tout le corps qui est mobilisé pour communiquer le texte. Celui-ci est déchiffré comme une partition avec un rythme qui doit être soutenu par un travail choral. Enfin, comme on lit toujours pour quelqu'un, pour un public, il est important qu'il y ait toujours une partie de la classe qui écoute et regarde pour faire un retour aux lecteurs.

Les trois livres
Les extraits proposés à la lecture lors du stage proviennent bien évidemment des trois textes sélectionnés pour le concours. "J'ai trop peur" de David Lescot semble le plus classique, le partage choral paraît assez facile entre les trois personnages : Moi, Francis et la petite sœur, cette dernière exigeant un  travail plus virtuose. Mon ami le banc de Emmanuel Darley se prête assez bien à la lecture par un collectif comme un groupe classe. On peut entrevoir quelques intermèdes chorégraphiés. Même les chevaliers tombent dans l'oubli du togolais Gustave Akakpo est un texte plus difficile, c'est une écriture qui résiste mais qui ouvre de multiples possibles. Grâce à une lecture à voix haute, le lecteur découvre véritablement ce texte fait pour être entendu. Les stagiaires se livrent à la découverte des textes dans cet ordre après un échauffement qui consiste surtout en un travail choral. La lecture est faite par un groupe où chacun doit être attentif pour bien prendre les relais ou effectuer un travail collectif.

Démarrer la lecture
Avant de commencer, le groupe raconte déjà ! face au public, les pieds posés en position tonique, les mains sur le pupitre. Le premier lecteur doit prendre d'abord le temps de permettre au silence de s'instaurer – et sentir les deux étapes : l'absence de bruit puis un silence "d'écoute". En même temps, il s'assure que tout le groupe est prêt et commence par un regard public. C'est sur lui que repose la responsabilité de la lecture, c'est lui qui va entraîner le groupe, il importe donc qu'il projette bien la voix, avec intensité, qu'il l'adresse bien au public, pour éviter à celui-ci d'avoir à tendre l'oreille. C'est lui qui va impulser l'énergie et le rythme de la lecture, en particulier en s'appuyant sur la ponctuation, en prenant soin de ne pas fermer la voix sur les virgules, sinon l'énergie retombe. Le groupe enchaîne sur cette énergie. La pluralité des lecteurs ne doit pas entraîner une pluralité  de lectures différentes, chacun doit se mette dans "la vague qui arrive", dans la même coloration. Cette homogénéité n'empêche pas, elle permet même, une mise en relief de certaines répliques (comme sur les voix des parents dans J'ai trop peur).

Les remplacements de lecteurs
Faire lire toute une classe nécessite d'effectuer des changements de lecteurs en cours de lecture. Comment faire pour que cela ne perturbe pas les auditeurs ? Quelques règles : éviter les retours en marche arrière, rendre les déplacements les plus fluides possibles. Ceux qui arrivent au pupitre doivent attirer le regard par leur premier mouvement (qu'ils soient assis sur des chaises au fond ou sur les côtés), ils "chassent" l'autre qui ne doit pas partir avant l'arrivée de son remplaçant. Chacun sait précisément où il va et le fait sans attendre ni se préoccuper des autres et le fait relativement rapidement. Le changement peut fairel'objet d'un simple mouvement technique ou il peut s'appuyer sur le jeu du texte. Mais ces déplacements doivent faire l'objet d'un entraînement voire d'un certain nombre d'exercices préalables. Ainsi le groupe de stagiaires a été mis à contribution : se lever en chœur, faire le tour de sa chaise par la droite, prendre la chaise, avancer de trois pas, poser, faire de nouveau le tour du même côté puis s'asseoir ensemble. Il faut prendre le temps de décomposer ces mouvements et savoir attendre pour que chaque mouvement soit bien effectué ensemble. Enfin, comme la lecture publique lors de la remise du prix sera effectuée par quarante élèves, on a évoqué l'image de vagues successives (les élèves étant placés par rangs de dix) pourquoi pas sur le bruit d'une vague réelle ou bien d'un autre bruit comme un galop, le son d'une cloche… Le changement de lecteur doit être mis en scène, chorégraphié.

Un travail choral
Les changements sur le plateau nécessitent un mouvement collectif travaillé, mais c'est toute la lecture qui est un exercice de choralité, à deux ou à vingt-deux, en lectures successives ou simultanées. La lecture individuelle est placée sous le regard du chœur qui crée ainsi un effet de loupe. Il faut travailler les variations solo – chœurs. Les chœurs de "truc" dans Même les chevaliers… ont fait l'objet d'une véritable partition musicale (départ précis, silences, fortissimo…) qu'il faudrait écrire en trouvant une forme de matérialisation appropriée.

On lit, on ne joue pas
Dans le théâtre contemporain, on constate une tendance à voir le personnage s'effacer derrière le texte. La lecture au pupitre s'inscrit plutôt dans ce mouvement où le texte est une matière qui pose un problème de type interprétation musicale plutôt qu'une incarnation de personnage. Il ne faut surtout pas basculer dans le jeu qui empêche alors d'écouter le texte. Nous en avons fait l'expérience ! Alors comment éviter cela ? Comment trouver la frontière, le décalage qui permet de ne pas basculer dans le jeu et incarner un personnage ? Il existe différents types de lecture : l'une minimaliste où le lecteur est assis à une table éclairé par une simple lampe et des lectures plus théâtralisées, plus spectaculaires où les personnages peuvent alors être incarnés. La lecture au pupitre se situerait entre les deux. Le lecteur incarne le texte, pas le personnage, il met à distance, il montre un geste mais il n'est jamais réaliste. On voit une émotion, on perçoit un rythme. Par exemple pour évoquer un personnage de la pièce qui court, le lecteur ne court pas, il lira simplement plus vite. Le spectateur voit un lecteur et à partir de la lecture fait fonctionner son imaginaire. Au théâtre, tous les spectateurs voient le même personnage, en lecture, chacun voit un personnage différent. Ce qui explique parfois la déception devant certaines mises en scène quand on a lu la pièce, les signes du metteur en scène peuvent paraître bien décevants en regard de l'intensité de l'imagination du lecteur. Il faut donc savoir se contenter de quelques signes minimaux pour faire comprendre et faire appel à un objet seulement lorsqu'on ne peut faire autrement, mais jamais réalistes (voir le casque dans La Grande Echappée?)

Deux recherches
Dans les travaux de groupes sur le texte d'Akakpo, nous avons été confrontés à deux situations : évoquer l'étrangeté des ombres et l'enlèvement de la peau d'un personnage. Les lecteurs des ombres, vêtus de noir lisent leur texte éclairé par un simple led. De nombreux problèmes se sont alors posés : déplacement avec un pupitre à main alors comment avoir les mains libres pour tourner les pages ? Quand allumer les lampes ? Comment justifier les déplacements ? On a constaté qu'on risquait alors de basculer dans le jeu, de distraire le spectateur de l'écoute du texte. Une situation plus simple nous est apparue plus efficace : les deux "ombres" derrière le personnage parlent en écho.
Et le changement de peau ? Après quelques essais avec des gestes trop nombreux ou trop répétés ou trop illustratifs, on s'est arrêté sur une situation simple. Le changement de peau est évoqué par un retournement des lecteurs, dos public, un geste de fermeture éclair d'une simple trousse d'écolier et nouveau retournement des lecteurs dans un regard au public qui comprend qu'on a un personnage nouveau. Aucun procédé théâtral. Chercher à être sobre, simple, sans artifice.

Des propositions de mise en lecture
 En fin de stage, un échange rapide a permis d'émettre quelques pistes pédagogiques possibles pour démarrer avec la classe entière. L'enseignant peut procéder à une simple lecture à voix haute des pièces et les élèves choisissent alors les scènes qui les intéressent et qu'ils souhaitent lire au pupitre. Si plusieurs classes participent au concours, chacune peut travailler une pièce et la lire aux autres classes. Après les trois lectures, les élèves peuvent faire leur choix. Après une lecture silencieuse, ils peuvent choisir les scènes qu'ils souhaitent lire mais tous doivent expérimenter la lecture au pupitre et dans la mesure du possible chercher collectivement et expérimenter des mises en espace.
Marcel Le Bihan