Les jeunes lisent du théâtre
L'entrée dans les textes de théâtre n'est pas
toujours évidente. La journée de stage a donné quelques pistes, d'autres ont été ensuite ajoutées… en attendant les stages encadrés par les comédiens de Acteurs et pupitres.
Découvrir un texte par la
lecture à voix haute
Samedi 10 octobre 2015, 17
stagiaires ont participé à cette journée de stage à la salle Vitez, stage
encadré par AMLET (AS Meslé et M Le Bihan).
À l’origine,
il avait été prévu de renouveler le stage "Découverte des textes de
théâtre pour la jeunesse" qui avait permis d’élargir le répertoire des
printemps théâtraux. "Ravie" de Sandrine Roche (voir précédent
bulletin), par exemple, a été mis en scène par deux classes de primaire et, en
partie, par un groupe de lycéens. Les réactions de collègues qui avaient
inscrit leurs classes au concours "Les Jeunes lisent du théâtre",
nous ont incités à modifier le contenu de cette journée. En effet, certains se
demandaient comment faire découvrir les quatre textes proposés aux élèves
autrement que par une lecture individuelle et silencieuse un peu difficile.
Comment ne pas profiter d’un texte de théâtre pour travailler la lecture à
haute voix, voire même une lecture au pupitre ? Un stage est bien prévu à
ce sujet avec Laurence Cazaux de la Cie "Acteurs et pupitres" mais il
arrive un peu tard, en janvier les lectures devront être terminées et les choix
effectués. Ce qui n’enlève rien cependant à l’intérêt de ce stage (à ne pas
manquer !). Aussi avons-nous privilégié les demandes concernant l’entrée
dans les textes en les limitant à quatre et en passant plus de temps à leur
découverte et à leur mise en voix et en espace.
Avant
d’entrer dans le texte proprement dit, quelques exercices pour se mettre en
voix et faire connaissance, un jeu sur les prénoms. En cercle, chacun son tour,
on lance son prénom en l’adressant à un partenaire qui se reconnaît par le
regard qui lui est adressé (on peut y ajouter un geste de la main, ou faire un
pas vers…). Puis on s’adresse à quelqu’un autre en le désignant par son prénom.
Enfin on demande à quelqu’un, qui se reconnaît par le regard adressé, de s’adresser
à celui dont on a lancé le prénom… Petit échauffement avant de commencer le
travail sur les répliques.
Commencer par les répliques
"Partir
du fragment et en l’occurrence de ce degré zéro du texte théâtral que constitue
la réplique, voir un morceau de réplique", comme nous y invitent les
auteurs de Coup de théâtre en classe
entière (voir ci-dessous). Cette entrée permet de travailler la mise en
voix et l’adresse de la parole tout en découvrant progressivement la pièce de
théâtre. Nous avons expérimenté deux façons de faire, parmi d’autres.
Le
premier texte abordé a été Frontière Nord de Suzanne Lebeau.
Mais le titre n’a pas été d’abord communiqué. En cercle chacun a reçu un papier
avec une réplique qu’il peut lire et même mémoriser.
- C’est arrivé ce
matin.
- Regardez !
Vous avez vu ?
- Ils prennent des
mesures pour construire.
- Regardez, c’est
grand, c’est long, c’est gros !
- Momo est
curieux.
- Il s’approchait,
répétait sa question.
- Il a reçu une
réponse en langue étrangère que personne ne comprenait.
- Quand les
adultes travaillent…
- Imaginez la grandeur…
- Mais tant de
projets fous naissent et meurent sans que la vie change…
- C’est absurde et
pourtant…
- Maman, mais qu’est-ce
que tu racontes ?
- Tais-toi !
- Et papa, il
pourra revenir ?
- Tu penses qu’il
reviendra ?
- Les garçons l’ont
cru
- Les filles ont
haussé les épaules
- Regarde le
journal !
- Je ne te crois
pas !
- C’est trop fou !
– Les enfants ne
nous croient pas.
On procède ensuite au
"cercle de profération". Comme dans l’exercice sur les prénoms,
chacun va lancer sa réplique à quelqu’un d’autre en le désignant par son regard
et son geste. Mais cette fois l’animateur impose une "contrainte technique" :
chuchoter, parler comme si on s’adressait à un sourd, accentuer toutes les
consonnes, placer un moment de silence inattendu… Ces "proférations"
permettent de travailler la voix et de casser les stéréotypes, les dictions
chantantes… Ensuite, chacun, à partir de ce qu’il a mémorisé, fait part de ce
qu’il a retenu (un événement survient, un grand projet, des mères et des
enfants en désaccord, des pères absents…) et formule des hypothèses sur ce que
raconte la pièce. Cette écoute et cet échange mettent en appétit, attise la
curiosité et donne envie de lire. Cette première lecture se fait en cercle, chacun
lisant une réplique. Il s’ensuit un nouvel échange au cours duquel on compare
les hypothèses de départ et les connaissances nouvelles révélées par cette
première lecture.
Le
second travail a porté sur Bouh ! de Mike Kenny (spectacle
programmé par le théâtre de Laval cette année). Cette fois la sélection des
répliques a été faite en fonction de la découverte du personnage principal. Une
moitié des répliques provenait de ce que le personnage dit de lui-même et une
autre de ce que les autres disent de lui.
(-Quand je suis né
mes parents m’ont
appelé Beau.
Ça dit bien ce que
ça veut dire.
-Je ne vois pas l’intérêt.
-Moi j’aime bien
les itinéraires.
-J’aime bien savoir
où je vais
si je vais quelque
part,
mais c’est rare que
j’aille quelque part.
– Mais je ne vais
jamais nulle part.
Plus maintenant.
-J’ai le droit d’avoir
des ciseaux.
Maintenant.
Avant non.
Et je fais des
mots.
– Oublié ce que j’allais
dire.
– Je n’aime pas
changer.
– Ne me confisque
pas mes ciseaux.
– Je pourrais être
facteur.
En plein milieu de
la nuit. Le courrier serait très en avance.
Ou très très en
retard.
– Maman a dit que j’étais
malin. Elle l’a dit. Elle a dit que j’étais malin.
Avec le temps,
les années passant,
les autres enfants
se mirent à l’appeler Bouh.
-Il colle son nez
aux fenêtres.
-Il enlève des
enfants.
-Il mange des
chats. Il les attrape et il les mange. Tout crus.
-C’est l’homme aux
ciseaux.
Il a des ciseaux.
De grands ciseaux.
-Il découpe des
morceaux de toi.
Puis il les colle dans
son grand cahier.
-Il avait poignardé
son frère dans la jambe avec ses ciseaux. Ils l’ont embarqué.
-Là-dedans. Il est
là-dedans.
-T’es exactement
comme un enfant.
Tu n’es pourtant
plus un enfant ?
-Débile. Demeuré.
Taré. Mongol.
-Tu donnes des
bonbons aux enfants. Tu donnes des bonbons aux enfants.
Pédophile. Hein que
t’es un pédophile ?
T’es un putain de
pédophile.
Dis-le.
Le dispositif est le suivant :
un groupe de participants se trouve au centre du cercle, les autres autour.
Ceux qui sont à l’extérieur disposent d’une réplique qu’ils vont dire à une
personne précise du centre sur une émotion donnée par l’animateur (colère,
tristesse, joie, peur, déclaration amoureuse). On inverse ensuite et on procède
de même avec les autres répliques. Ensuite on effectue à une mise en commun où
chacun précise ce qu’il a découvert du personnage et comment il a vécu le rôle
de personnage à qui on s’adressait, qu’on insultait ? qu’on méprisait ?
(Variantes,
voir "Beckett chuchoté" in AMLET 27)
Passage au pupitre
La
lecture s’effectuant avec une classe entière (garder cependant des auditeurs
pour effectuer des retours !), il faut mobiliser un maximum de lecteurs.
La première pièce, Frontière Nord,
facilitait les choses car elle proposait déjà des chœurs (chœurs de mère,
chœurs d’enfants, divisés en garçons et filles) plus un personnage, Momo. Le
travail a consisté à constituer les chœurs, à répartir la parole dans chaque
chœur et l’ordre de lecture, trouver vers qui sont dirigés les regards. Une personne
prend en charge la lecture du titre, la désignation des personnages, les
didascalies. Comment faire émerger le personnage de Momo du groupe ? le
distinguer du chœur et faire vivre le mur par les regards ? trouver un
rituel d’entrée ?
Bouh !
est une pièce qui comporte peu de personnages et se déroule dans deux lieux. Un
groupe a cherché à distinguer ces deux espaces : celui de Bouh et de son
frère et celui des personnages désignés par le garçon et la fille. Dans le
premier, à jardin, quatre lecteurs faisaient entendre les paroles de Bouh et
dans le second, à cour, le garçon et la fille étaient portés, chacun, par deux
lecteurs. La séparation des deux espaces était matérialisée par un alignement
de chaise. La didascalie indiquant le passage d’un lieu à l’autre était marquée
par le mouvement des Bouh vers les chaises d’où Bouh observait les deux autres
personnages. De ce côté l’un des lecteurs passait derrière l’autre pour évoquer
le jeu de la balançoire.
Un
second groupe a travaillé sur un monologue de Bouh suivi par une rencontre
entre Bouh et la fille. Départ tous dans le chœur, distribution des répliques
et choix de deux d’entre elles à dire ensemble, après tâtonnement. Puis comment
enchaîner sur les deux personnages ? Le chœur a fait un pas en arrière,
les deux lecteurs de Bouh et la fille ont fait un pas en avant. L’un s’est
coiffé d’une casquette, l’autre a pris un foulard, ils ont ainsi été bien
identifiés par les spectateurs. Ces signes distinctifs permettent de changer de
lecteurs autant de fois que nécessaire.
Carabus
Nous
avons choisi de réfléchir ensemble sur la première scène de ce texte qui n’est
pas claire à la première lecture. Comment faire comprendre cette scène au
spectateur, sans dévoiler la fin qui seule permettra de tout saisir ? Comment
rendre clair l’identité des "personnages" dénommés par "La voix
de la mère" puis "La mère", par "l’ombre du père" ?
La "voix de la mère" s’adresse à un bébé qui n’est pas "sur
scène". Comment lire les répliques de Pétronelle, le personnage principal
qui s’adresse à des personnages de son monde imaginaire de Carabus géants, de
sorcières puis parfois répond à sa mère?
Deux
groupes ont fait une proposition en constituant pour l’un un chœur de
Pétronelle et pour l’autre une Pétronelle soutenue par un chœur lisant les
exclamations et onomatopées. Les "voix des mères" se présentant de
dos puis de face pour lire "La mère". "L’ombre du père "
émergent derrière le chœur, sur un tabouret… Ce n’est qu’en faisant des
propositions à un public qu’on peut constater si le dispositif est lisible ou
non.
Lors
de la pause du midi, nous avons visionné une vidéo prise au festival des
francophonies de Limoges lors de la remise du prix Sony Labou Tansi des
lycéens. Un groupe d’élèves lisait au pupitre la pièce primée
"Yukongstyle". Un échange critique a mis en évidence ce qui
fonctionnait très bien (déplacements, changements de lecteurs, effets de
chœurs, gestuelle collective…) et ce qui était superflu comme certains gestes.
(vidéo à disposition sur demande)
Quelques principes
En
fin de journée, nous avons essayé de formuler ce qui nous semblait important de
retenir pour démarrer ce genre de travail.
- Rester
simple, peu de déplacement, peu de jeu, il s’agit d’abord d’une lecture. Trop
de mouvements perturbent.
- Travail
de chœur (pour un groupe de personnages ou surtout un seul personnage) :
distribuer la parole du personnage entre les lecteurs, limiter les phrases
formulées par l’ensemble du groupe et bien les choisir, qu’elles soient
justifiées ou qu’elles rythment la tirade)
- Chœur parfois en soutien du
personnage (gestes, onomatopées, brèves paroles)
-
Regards adressés au public et quelques regards vers un autre personnage, brefs
et bien choisis
-
Déterminer des places significatives dans l’espace
-
Trouver un rituel d’entrée
-
Découper le texte en répliques brèves pour donner le temps au lecteur de
mémoriser pour pouvoir adresser la fin de la phrase par le regard à l’auditeur
- Ne
pas hésiter à travailler le texte comme une "partition" : marquer
les pauses d’un tiret, deux ou trois… trouver une graphie, un code pour une
voix murmurée, forte…
- Ne
pas hésiter à renouveler l’exercice du "cercle de profération" avec
des contraintes variées pour améliorer l’articulation, la puissance de la voix,
l’expression, l’adresse…
-
Lecture au pupitre. Mais on ne dispose pas forcément de l’objet et il est
parfois difficile à déplacer. On peut alors utiliser des "porte-bloc"
en carton et créer de belles propositions chorales car chacun a son "porte-bloc"
et peut, à chaque fois qu’une feuille est lue, la jeter en l’air… par exemple…
ou mettre les "porte-bloc" en l’air avant de commencer la lecture… ça
fait de belles images en suspens… Car il y a un objet identique dans les
mains de chaque lecteur et les possibilités d’images chorales sont infinies…
(proposition de Dany Porché !)
- Un
accompagnement sonore est toujours possible : un simple bruitage, un peu
de percussions ou un fond musical. On trouve toujours des élèves qui ont envie
de jouer les techniciens !
- Toujours
avoir un public et tester ainsi les choix de lecture proposés par les élèves
(placements, multiplicités de lecteurs pour un personnage…). Ce sera souvent
une partie de la classe qui peut alors prendre des notes mais on peut aussi
tester auprès d’une autre classe qui ne connaît pas le texte. On peut aussi
faire lire un texte par des grands pour des plus petits qui n’auraient pas la
possibilité de lire les quatre textes mais pourraient ainsi participer au vote.
Nous
avons ainsi ouvert des pistes pour faire découvrir les textes par les élèves en
pratiquant une lecture expressive à haute voix pour des auditeurs et ainsi s’approcher
un peu de l’expression théâtrale. Nul doute que le travail avec Laurence Cazaux
en janvier nous emmènera plus loin et pendant le stage et lors de la prestation
de la Cie au théâtre.
Marcel Le Bihan
Pistes de découverte des textes :
Principe de base : J’ai le droit de ne pas lire une pièce en entier, j’ai le droit de ne pas aimer, j’ai le droit d’adorer, J’ai le droit de ne pas lire une pièce (faute de temps, trop difficile ...), nous devons prendre du plaisir à lire ensemble.
La lecture morcelée :
Par petits groupes les élèves préparent la lecture à voix haute d’un extrait de la pièce, et doivent le présenter à la classe
a) l’ordre chronologique est respecté : on peut ensuite discuter sur ce que raconte cette histoire, quelle sera la suite, où cela se passe-t-il, quels éléments du décor sont donnés…
B) l’ordre chronologique n’est pas respecté et la classe cherche à retrouver l’ordre des extraits présentés. Quels personnages, où ....
L’entrée par la réplique :
Chaque élève a une réplique à mémoriser (extraite d’un acte commun). Par petits groupes ils essaient d’organiser leurs répliques, trouver un ordre, une façon de dire (dire à voix haute, à voix basse, dire avec des émotions, tristesse, joie, timidité, peur, colère...), ils peuvent la répéter plusieurs fois. Présentation à la classe.
Puis échange sur le contenu possible de la pièce (thème, lieu, personnage)
Travail « musical » possible avec « La nuit je n’ai plus peur » : scène « Chaos »
Entrée par la structure du texte Analyse de la mise en page, découpage des scènes, importance des didascalies, succession de monologues.: La nuit je n’ai plus peur
Monologues : repérer les personnages, qui sont-ils, comment sait-on qui parle ?
Repérer les monologues qui appartiennent au même personnage
Analyse du caractère , de l’émotion exprimée dans un monologue particulier : (la sœur) recherche sur les façons de dire pour exprimer
La lecture de l’adulte
L’enseignant(e) lit le texte, ou une partie du texte aux élèves puis engage une discussion. Qu’ont-ils compris de l’histoire, des personnages , des relations entre les personnages ?
La lecture des élèves :
Le texte est distribué aux élèves, ou à des élèves volontaires qui préparent la lecture en autonomie, les extraits sont lus à la classe et discutés.
Possibilité de réalisations par les classes pour le jour de la remise du prix :
Sur une feuille A4 (Format paysage) Imaginez la première et la quatrième de couverture du livre de la pièce que la classe a choisie, ou de la pièce que tu as préférée.
(Inscrivez votre nom, votre classe et votre école ou collège.
Les travaux des élèves seront affichés dans le hall du théâtre de Laval.
Un bulletin de vote indiquant le nombre de voix réuni par chaque pièces et quelques argumentations des élèves a été envoyé à chaque ensiegnant participant.
N'hésitez pas à signaler vos difficultés et… vos solutions, nous les mettrons en ligne sur le blog d'AMLET : associationamlet