CR stage Lecture au pupitre
Ce samedi 9 décembre 2019 au Théâtre des trois Chênes à Loiron, le stage, lecture au pupitre, a réuni 25 participants de tous niveaux de 9H à 19H.
Cinquième stage de formation encadré par Laurence Cazaux et Patrick Gay Belille de la compagnie « Acteurs pupitres et cie », de nouveau au théâtre des Trois chênes à Loiron, structure culturelle partenaire dans le cadre de notre festival « Les jeunes lisent du théâtre ».
La veille, Laurence et Patrick avaient présenté deux fois, devant 7 classes, leur spectacle « Yapatou », une lecture au pupitre justement de textes de théâtre jeunesse, d’extraits car il n’y a pas tout ! On constate qu’une lecture théâtralisée peut être en soi un vrai spectacle et donner envie aux jeunes spectateurs de passer derrière le pupitre.
Textes lus autour de la thématique du jeu avec les mots :
- Babil de Sarah Carré ed théâtrales Jeunesse
- Le Marin d’eau douce de Joël Jouanneau ed Actes sud papiers
- Cross, le chant des collèges de Julie Rossello-Rochet ed théâtrales
- Les Saisons de Rosemarie de Dominique Richard ed théâtrales Jeunesse
- Agamel de Bruno Castan ed théâtrales
Contrairement aux années passées où l’on était rentré dans le sujet par une lecture d’un « texte » des plus simples (une liste d’onomatopées), cette année nous nous sommes d’emblée confrontés à la lecture de quatre des six textes du concours : Le Monde serait plus simple en 140 caractères (mais pas forcément plus beau) de Martine Auriol, Midi nous le dira de Joséphine Chaffin puis Hématome(s) de Stéphane Bientz. On n’a pas eu le temps d’aborder Noircisse de Claudine Galea. Un questionnement et une consigne étaient proposés aux cinq groupes qui présentaient ensuite leur travail devant les autres. Les spectateurs formulaient leur retours selon leurs perceptions, comme il est souhaitable de le faire avec des élèves et les formateurs complétaient et précisaient. Des temps de mise au point collectif ont permis de poser toutes les questions et elles étaient nombreuses et de faire une synthèse des apprentissages.
Difficile d’en faire un CR linéaire ou chronologique qui risque d’être répétitif, je regrouperai donc les différents éléments de la lecture au pupitre abordés sous forme de mots clés, synthétisant ainsi les différentes remarques effectuées au cours de la lecture des extraits divers des trois textes.
PUPITRE
Chaque établissement scolaire devrait en avoir plusieurs. Outil indispensable, même si l’on peut lire le texte à la main. Mais le pupitre libère et protège le lecteur. Il faut prendre le temps de l’apprivoiser, trouver la bonne hauteur, apprendre à le tenir pour le déplacer éventuellement. Il peut aussi servir à poser des accessoires, comme le mini disque qui déclenche la musique dans le spectacle Yapatou
POSTURE
Comment se tenir derrière le pupitre ? Que faire de ses mains ? question tout de suite posée ! Le lecteur doit être très stable, donc bien posé sur sur ses pieds qui ne sont pas joints mais légèrement écartés pour une meilleure assise. Les mains seront placées de préférence le long du corps ou mieux accrochées au pupitre, ce qui permet de les stabiliser plus facilement et de suivre le texte avec le doigt éventuellement. Il faut surtout veiller à ne produire aucun geste parasite, souvent d’ailleurs à l’insu du lecteur. Les camarades spectateurs sont utiles pour les repérer.
Ne pas se plier vers le public, cela soupe le souffle, la voix porte davantage si le corps est droit.
DECOUPAGE
Le premier texte travaillé, Le Monde serait plus simple…, avaient été découpé par Laurence et distribué, numéroté 1, 2, 3, 4, ou 1+2+3+4 quand le texte était lu par tous les lecteurs. Découper un texte, souvent un long monologue, consiste à le partager en différents lecteurs ou groupes de lecteurs. Ce découpage n’est pas évident, les groupes s’y sont confrontés sur le texte Midi nous le dira. (Consigne : Comment découper un texte pur une lecture chorale ? comment faire s’éclater un chœur en deux chœurs ? Comment choisir le mot ou la phrase collective ?).
Le risque c’est de chercher à partager le texte « équitablement » entre les différents lecteurs pour qu’il n’y ait pas de jalousie entre les élèves ! Plutôt que ce découpage quantitatif, il faut chercher à le faire en fonction du sens. On a vu ainsi des découpages trop « scolaires », trop équilibrés, trop calmes alors que le personnage de Nadja est plutôt hypertendue ou à l’inverse un texte trop haché au risque de briser la rythmique propre du texte. Ce travail difficile relève plutôt de l’enseignant, mais il peut être très formateur que les élèves comprennent le sens de ce travail. On peut alors leur proposer dans un premier temps le texte entier et le texte découpé. On peut aussi les confronter à ce type de travail sur un court extrait. C’est un excellent exercice de compréhension.
REGARD
Où diriger son regard, surtout quand on ne lit pas ? Une règle simple : celui qui ne lit pas regarde son texte, celui qui lit regarde le public. On repère ainsi tout de suite le lecteur. Mais le regard doit être direct, fixe, face au public, légèrement au-dessus si l’on ne veut pas être perturbé. Mais on ne balaie pas la salle. C’est le regard du « coiffeur » dans la glace. Le regard prend le texte, le donne au public, puis revient sur le texte.
Mais peut-on adresser un regard à l’un de ses partenaires ? C’est possible mais le moment doit être bien choisi. On l’a vu sur l’extrait de Hématome(s) où la lecture s’est close sur une focalisation des regards sur le personnage d’Emma au centre devant les autres. Un moment d’émotion intense !
Ou encore les regards étonnés des convives du repas de Midi nouvel dira, mais le rythme du mouvement doit être très précis.
ESPACE
Comment disposer les pupitres dans l’espace ? Tous les lecteurs doivent être bien visibles. Aussi pour commencer, le plus simple c’est en ligne. Cela permet de se concentrer sur le texte, l’adresse public… Mais comme on l’a vu, avec surprise pour certains, des groupes ont tout de suite chercher à donner un sens à une disposition des pupitres dans l’espace, voire à les déplacer en cours de lecture. C’est possible à condition que ce choix soit réfléchi. On peut ainsi distinguer deux espaces (surtout si les personnages sont dans des espaces séparés) ou bien les personnages lorsque l’un est représenté par un groupe de lecteurs et l’autre par un seul. Un lecteur peut être mis en évidence au centre devant le groupe… mais s’il s’agit bien sûr du personnage… central ! (Touit au lieu des profs) Cela amène les élèves à se poser judicieusement la question et de se rendre compte que ce n’est pas forcément celui qui a le plus de texte, ainsi Emma dans Hématome(s). Un dispositif intéressant nous a été montré, évoquant la disposition des convives autour d’une table lors d’un repas de famille (Midi nous le dira) et Nadja, quittant le groupe avec son pupitre, comme se libérant des l’enfermement familial.
ARTICULATION
L’articulation « ça muscle le texte! ». La diction n’est pas celle de la cour de récréation, pas d’élision, tout doit être dit, y compris les E muets ! L’attaque du texte doit être franche, la lecture ne doit pas s’affirmer progressivement.
VOIX
« Parle moins fort ! ». Selon Patrick, à force d’entendre ce rappel à l’ordre, les élèves hésiteraient à élever la voix. Comment les entrainer à parler plus fort ? La simple injonction est bien peu efficace. Certains ont évoquer leur expérience de jeux préalables en cercle, ou dans la cour, en éloignant les élèves les uns des autres.
DIDASCALIE
Le principe de la lecture du texte de théâtre nous conduit à lire les didascalies, puisqu’elles ne sont pas mises en scène. Cependant on a été confronté à de nombreuses situations où le problème se posait : lire ou non, lire ou jouer, lire avant ou après le geste ? On a même tenté la didascalie comme personnage ou deux « didascalies » qui accompagnent un personnage puis deviennent personnages et redeviennent didascalies !
On cherchera à éviter la redondance, le geste qui illustre « Elle lui tend la main » ! Un ou deux gestes comme un ou deux regards vers des partenaires sont bienvenus mais ils devront être bien choisis, c’est un moment fort de la lecture (le jet de papier stylisé, les regards sur Emma). Le geste se fera, la plupart du temps, en direction du public et non de l’autre lecteur.
CHANGEMENT DE LECTEURS
On a peu prit le temps d’expérimenter ce mouvement. Le problème s’est posé pour faire voir l’arrivée de Touit au square où se trouve déjà Nell. Les deux Nelle se trouvent face oublie, les deux Touit sont de dos derrière chaque d’elles. « Tout passe à côté d’elle et s’arrête » les Touit viennent se poser de chaque côté des Nell. Et la fin du passage se termine par le mouvement inverse de Nell.
Mais le problème se pose différemment quand il faut faire lire une classe entière (ou les trente-deux élèves lors de la remise du prix !). La création d’une grande vague de changement de lecteurs est possible mais nécessite une répétition «de « chorégraphie » !! Lorsqu’il s’agit de remplacer quelques lecteurs, les nouveaux prennent l’initiative se dirigent vers les anciens qui croisent leur regard avant de se diriger vers le côté de la scène.
SILENCE
Le silence de départ est très important, un vrai temps qui peut prendre 10 ou 20 secondes et non seulement trois ! Cela peut sembler long au début mais les élèves perçoivent ensuite que cela est nécessaire et même « jouissif » ! Tout le monde vous attend, est suspendu à vos lèvres ! Le premier lecteur attend que tous les autres soient vraiment prêts et le public aussi. Ne commencer que lorsqu’on sent ce vrai silence. Ils savent le repérer quand ils l’ont expérimenter. Certains le nomme « silence tenu » ou « silence attentif » (Chloé).
Au cours de la lecture aussi les moment s silence sont indispensables à une bonne compréhension du texte. Le texte de théâtre est un texte « à tours », plein de sous-entendus.
temps de silence (quatre regards publics ou vers Touit)
« dit silencieusement poème de Nell » ? sans le son ? ou les quatre profs regardent mais n’entendent pas ou didascalie dite comme un poème
MUSIQUE
Peut-on accompagner la lecture d’une musique ? Qui s’en charge ?
La musique peut-être présente déjà dans le texte lu. Il avait été prévu d’utiliser les chants de femmes supportrices à Rennes d’un match de la coupe du monde féminine. (A écouter). On peut donc l’entendre. Mais elle sera plutôt présente au moment des changements de lecteurs. (Ex musique de vagues lors des changements de vagues de lecteurs pour le texte « J’ai trop peur » prix 2017, l’action se passait à Quiberon !)
Une musique en direct est aussi possible réalisée par les élèves avec des percussions par exemple, ou certains bruitages, quelqu’un a évoqué le cri des mouettes produit par un élève qui ne voulait pas lire !
THEATRE
Comment distinguer entre lecture théâtralisée ou lecture au pupitre et jeu théâtral ? Vaste sujet de débat ! Selon Patrick, le lecteur n’est jamais le personnage, il ne joue pas la colère, il raconte la colère. le lecteur traverse les émotions ! Pas toujours évident de faire la différence. Le geste ou la danse (voir Yapatou) est toujours stylisé. Ainsi la fatigue de Touit, la tête sur le coude appuyé sur le pupitre, a été jugée trop jouée tandis que le geste du jet de papier figé en l’air, stylisé, non réaliste, était très juste.
CHŒUR
Lecture chorale ne signifie pas que tous lisent tout le texte ensemble ! Mais un chœur de plusieurs lecteurs peut représenter un personnage. Les lecteur se partagent alors le texte entre les lecteurs individuellement et certains mots ou phrases sont dites en semble. Il faut alors bien les choisir et préparer la diction collective pour que les mêmes syllabes, les mêmes pauses soient respectées.
GESTES
Voir didascalie ou théâtre
TEXTE
Eternelle question du « respect » du texte ! Il est vrai que les auteurs ne souhaitent pas qu’on supprime, qu’on « réduise »… On l’a encore entendu avec une autrice lors du festival. Mais avec des élèves, on est libre et, au contraire, il ne faut pas hésiter à supprimer une phrase ou un paragraphe qui leur semblent incompréhensibles. Il est difficile de lire un texte entier, il faut alors certes le réduire mais en gardant évidemment le sens global.
ESSAI
Toutes les propositions sont intéressantes a priori. Il ne faut rien s’interdire, seulement prendre le temps de tester. Ainsi pourquoi pas le ton du commentaire sportif dans Midi nous le dira, à condition de le jouer à fond. Il faut essayer toutes les façons de dire, surtout aller contre ce qui semble évident.
SUPPORT DE LECTURE
Le livre ne se prête pas à la lecture au pupitre, sa manipulation reste délicate. Il est préférable de taper le texte sur une feuille en gros caractères. Chaque lecteur peut par la suite y porter toutes les indications qui lui semblent nécessaires : repérages de sa lecture, de la lecture collective, des pauses, des gestes…
RYTHME
répliques resserrées mais sans uniformiser (paroles des profs)
bribes de conversations dans la rue, pas assez cacophonique, créer un flux de paroles, tuiler, chevaucher, retrouver le rythme de la vie. Le déplacement des personnages ne doit pas être montré mais évoqué par le son, la rythmique de la lecture. Brouhaha qui environne Tout.
Id pour les paroles des profs, créer un chevauchement permanent des paroles, discours qui crée une sorte de bouille dans le cerveau de Tout mais alors il faut aussi penser à surarticuler les mots.
Les ruptures de rythme sont alors essentielles : la phrase « Tout au tableau ! » arrête brusquement la bouille sonore du cours.
LIRE
Avant de lancer des élèves dans la lecture individuelle d’un texte difficile comme Hématôme(s), l’enseignant peut en faire une lecture à sa classe « lecture offerte ». Il est important de prendre le temps de bien comprendre ce qu’on raconte avant de lire ! Trop d’élèves se lancent encore dans la lecture à haute voix sans prendre le temps de maîtriser le sens de ce qu’ils lisent.
Lors de la lecture au pupitre, beaucoup d’élèves sont tentés par l’apprentissage du texte par cœur. La récitation ça use alors la lecture qui doit rester un « travail de cervicales » ! Prendre le temps de saisir une part de texte pour l’adresser au public et y retourner. Dans ce cas, il faut changer des lecteurs dès qu’on s’en aperçoit !
Tous les mots ont leur importance, même les « petits » ! Bien prendre le temps et d’articuler« est égale à … » et non égala, « branché en » et non branchéan !
L’attaque du texte doit être franche : « Dans le triangle ABC… », la puissance de la voix doit être exprimée dès le premier mot et non survenir progressivement. Le chœur des « allo » avaient aussi un démarrage trop tranquille.
Comment « lire » les fins de lignes blanches? ou les // comme dans Hématôme(s) ? Si l’on considère que le personnage n’arrive pas à dire parce que la réalité est trop horrible, on peut exprimer cette impossibilité ou cet interdit par un geste : la main sur la bouche par exemple. Et un chœur de 10 lecteurs qui dans le silence soudain porterait tous la main sur la bouche serait un signe d’une force supérieure au mot. On pourrait même avoir un chœur qui par ce geste arrêterait la proie de l’autre.
PERSONNAGES
Il faut que le public repère facilement qui sont les personnages sur scène. Exemples les passants dans « Le Monde serait plus simple… Les lecteurs peuvent tous lever la main lorsqu’ils sont désignés par la première didascalie ou bien s’avancer tous en même temps. Il faut trouver le signe le plus facile à détecter par le public.
ACCESSOIRES / COSTUMES
Si on ne se costume pas comme au théâtre, il est possible d’introduire un élément de costume ou un accessoire qui permet de repérer le personnage que lit le lecteur, surtout lorsqu’il y a changement de lecteur : le survêtement de Nadja, la footeuse, était bienvenu. Une écharpe de supporter de foot aurait aussi pu faire l’affaire. On utilise fréquemment une casquette, un sweat à capuche, un T-shirt de couleur… La neige a été un grand moment d’émotion dans Yapatou.
