CR Stage Costumes Janvier 2020

CR Stage costumes 

Samedi 18 janvier 2020, 20 personnes se sont retrouvées de 9h à 19h, salle Vitez du lycée Rousseau (et deux se sont excusées) pour une journée de formation sur le costume, encadrée par Valérie Berthelot de le cie Art Zygote.

Valérie ancienne des options théâtre du lycée Rousseau a été formée dans les lieux (ou presque). Elle a une formation de danseuse, elle a aussi beaucoup travaillé la marionnette. Elle a déjà encadré un stage AMLET sur le théâtre d’objet jadis et sur le tissu l’an dernier. Elle propose de revenir à l’essentiel, à un théâtre pauvre (c’est pour l’éducation nationale !), un théâtre de bouts de ficelles en quelque sorte. Ce qui n’empêche pas de créer de belles images. Le costume de théâtre est porté par un corps en mouvement. À la différence du défilé de mode où des mannequins exhibent leurs vêtements, les acteurs jouent avec les costumes qui vont même les contraindre et induire des personnages. Les participants présentent leurs projets et font part de quelques questionnements : comment créer un ogre à six têtes ? Incarner les peurs ? Habiller une « poétrice » ou un homme préhistorique ?

Souvent en effet la quête du costume intervient en fin de parcours, or le costume peut aider au jeu. Mais il ne faut pas se laisser enfermer trop tôt par son projet, il importe de prendre le temps de se laisser imprégner, emporter par le jeu, tâtonner, essayer diverses possibilités, techniques, matériaux...

Échauffement

On prend le temps de se mettre en condition même si on ne travaille pas particulièrement le jeu. On lance son prénom en l’adressant précisément à un autre, on fait de même avec un ballon imaginaire jaune, puis on rajoute un bleu, puis un rouge... Les regards s’ouvrent, l’attention est soutenue.

Le groupe effectue un exercice de déplacements sur le plateau : chacun se déplace sur des rythmes divers. Lorsqu’un s’arrête, tous s’arrêtent et se figent dans le mouvement en cours. Lorsque quelqu’un décide de repartir, tous repartent. Exercice qui fait travailler la concentration. Puis lors de l’arrêt, la consigne varie : chacun doit se laisser aller au sol en seize temps, en laissant le corps se dérouler sur un tempo musical. L’exercice se termine par une sortie en coulisse.

Jouer avec nos propres vêtements

Avant d’aller voir ailleurs, essayons de jouer d’abord avec nos propres vêtements ! Valérie demande à chacun d’utiliser un ou deux éléments de son vêtement pour faire costume, détourner, modifier, relever, enlever... puis de traverser le plateau en effectuant un arrêt au milieu pour que le spectateur prenne conscience du personnage. Cette petite touche a suffi pour nous faire voir des pays, des animaux, des saisons... induire une démarche, incarner quelqu’un d’autre. Les spectateurs donnent quelques idées à l’acteur pour agrandir le détail, le début de transformation, pour aller jusqu’au bout du jeu physique, comme cacher le corps complètement ou accentuer la silhouette de l’homme bancal. Tout le monde a été surpris de ces transformations et étonné de voir naître aussi rapidement des débuts d’histoires.

Jouer avec le costumier

L’existence d’un costumier est une mine que nous allons exploiter pendant la matinée. Une chaine se constitue pour descendre les costumes qui se trouvent tout en haut du théâtre, mais en jeu. Les vêtements passent de mains en mains pour atterrir en tas sur le plateau, les joueurs s’émerveillent, s’exclament devant leurs découvertes. Valérie va proposer ensuite trois sortes de tris avec des consignes pour enfiler les costumes.

Des couleurs

Le premier groupe trie les vêtements par couleurs. Puis chacun choisit son tas et se costume avec ce qu’il y trouve. Des spectateurs peuvent les aider à finir de s’habiller. On caractérise ensuite, on assemble parfois, on nomme ce qu’on voit : un couple royal, une femme djihadiste, un fou du roi, une femme russe, une vieille femme asiatique, diseuse de bonne aventure sortie d’un théâtre Nô. On cherche alors comment faire se déplacer celle-ci par petits pas glissés. Alors, sur une musique, chaque personnage fait son entrée sur le plateau dans ces tenues pas réalistes,

incomplètes. Le simple poids, lourd ou léger, des matériaux induit déjà des types de déplacements. On entrevoit des possibilités nouvelles comme de faire sortir des marionnettes de ces épaisses couches de vêtements. Les détails prennent alors leur importance, selon que le nœud du foulard sur la tête est serré ou non, le personnage est différent. On s’interroge : où doit- on classer les imprimés ?

Des formes

Le second groupe doit classer les vêtements par formes : pantalons, robes... chacun choisit de nouveau son tas, mais avec une consigne propre : mettre la totalité du tas, ou le plus possible, ou seulement trois couleurs ou enfin mettre tous les imperméables et rien que ça ! Des aides deviennent alors indispensables lorsque le nombre de vêtements devient très conséquent ! On découvre alors une superbe sirène allongée, une Égyptienne danseuse de cabaret, un malade en camisole échappé de l’asile... Et chacun fait de nouveau son entrée, la sirène en... rampant, une imposante arrivée par le milieu ou une traversée très chic comme dans les années trente...

Des classes

Le troisième groupe effectue son classement cette fois par classes sociales ou catégories socioprofessionnelles ou ordre d’ancien régime ! Chacun doit catégoriser son tas, comme il peut ! Nous avons eu noblesse, bourgeois déclassé, bobo, Emmaüs, populo, autre temps ou autre pays... Tout le monde participe alors à l’habillage, on crée ainsi des chœurs costumés, sans parler, sur une musique. Chaque groupe doit ensuite faire son entrée en scène : d’où partir ? Sur quelle énergie ? Ensemble ou non ? Mouvement ou attente ? Qu’a-t-on vu ?
On a d’abord assisté à un conte oriental, le jeu avec les tissus a conduit à inventer une histoire d’amour. Par des gestes amples, le jeune prince a peu à peu étalé presque jusqu’en coulisses l’écharpe rouge de la demoiselle, mais celle-ci par petits coups répétés a fait revenir vers elle le tissu et son prince. Dans leur bulle, les personnages ont ignoré le gros bonbon rose qui est entré, sorte d’intrus dans leur histoire de couple. Ce sont les jeux avec les costumes qui ont fait naître l’histoire, la longueur étonnante du tissu rouge très suggestif a ouvert l’imaginaire, sans qu’on cherche trop précisément à faire signe ou sens.
On a vu ensuite arriver deux ouvriers, vêtus des mêmes blousons et casquettes donc remplissant la même fonction, le petit auscultant le sol et le grand observant les cintres. Un simple geste de hasard, la main portée à la visière de la casquette pour la relever a induit le jeu des acteurs. La casquette dirige le mouvement puis le déplacement de ces ouvriers du contrôle de sécurité. Ils formulent quelques remarques en grommelot. La touche comique a été créée par un petit élément de costume.
On s’est retrouvé ensuite dans un bar avec nos marginaux habillés par Emmaüs, émouvants dans leur volonté de paraître dans une tenue respectable, mais qui laisse voir le dénuement à la fois caché et révélé dans de petits détails comme les baskets qui pointent sous le costume. Que va faire le personnage lunaire décalé qui surgit soudain dans cet univers ? Puis ce sont deux mémères et des bourgeois décatis, engoncés dans leur costume et leurs chaussures trop petites, essayant de cacher leur mal aux pieds.
Comme il a été formulé en fin de stage, on commence en général à travailler avec le texte, le jeu, l'espace ... on pense rarement au costume. Or l’expérience vient démontrer la richesse d’induction du costume.

La fabrication

L’après-midi a été consacrée à la fabrication de costumes et à des essais. Quatre groupes ont été constitués autour de quatre projets et de quatre matériaux. L’habillement des hommes préhistoriques de Kataq, la pièce de Karine Serres, avec du papier kraft, l’incarnation des peurs de Timide de Catherine Verlaguet avec du papier blanc et de simples sacs de magasins de la même matière. La poétrice (La vie serait plus simple en 140 caractères, mais... de Marine Auriol) sera habillée en papier crépon de couleurs et le monstre à plusieurs têtes prendra vie à partir d’un stock de grands sacs poubelles noirs. Chaque groupe prend le temps de la recherche autour du matériau, de triturer, de plier, de chiffonner, de trouer...

Des membres du groupe Kataq découpent des bandelettes dans les grandes feuilles de kraft pour faire la chevelure et les poils des aisselles ! D’autres revêtent le torse de l’acteur d’une feuille découpée et effectuent de nombreux essais pour évoquer le système pileux : déchirures, collages avant d’opter pour des « bouts de ficelles » (eh oui, on l’avait dit théâtre de bouts de ficelles !)

pliés et collés en bandes sur le torse de papier, d’autres bouts ressortent aussi du slip rembourré réalisé à partir de bouts de collants !
Dans le groupe « peurs » les sacs de papier blanc deviennent masques et barbes hirsutes, les gobelets de carton agrandissent les yeux, voire même forment des paupières inquiétantes, de grandes feuilles plissées font disparaître entièrement le corps quand l’acteur de baisse.

La poétrice se pare d’étages de robes, de volants, de ceintures de couleurs et de fleurs dans les cheveux ou sur les poulaines de crépon jaune. Elle tient un bouquet de « ballons-poésies » dans chaque main.
L’équipe autour du monstre découpe, déplie, colle avec du scotch les sacs poubelles noirs pour en faire un immense tissu, puis remplissent des sacs d’air qu’ils collent ou sur lesquels ils dessinent nez bouche yeux...

L’expérimentation

Maintenant il faut faire vivre ces créatures. Les costumes s’adaptent-ils aux mouvements, aux déplacements, aux éclairages ? On s’interroge, on propose, on essaie...
L’énorme monstre (l’acteur dont la tête se détache est debout sur une table), sur les propositions de Valérie, se replie, se ramasse sur lui-même, rampe, s’étale, les têtes cachées apparaissent, puis des bras sortent. Enfin une tête en sac gonflé surgit et se détache du corps. Est-ce la tête du monstre ? Toutes les têtes ne devraient-elles pas être ainsi ? Les mains qui sortent doivent se vivre somme le prolongement de la matière, être monstrueuses. Comment chercher des volumes moins humains, plus étranges, peut-être visqueux ? Encore des pistes de recherches !

Le chœur des hommes de Néandertal surgit comme une meute dans le crissement du papier puis s’arrête brusquement, une succession de mouvement et de pauses s’installe. On cherche à former des images en jouant sur les tailles des acteurs ou leurs positionnements, le premier s’accroupit alors.

L’entrée de Timide se fait dans le noir complet pour évoquer le personnage de Lucas qui est à l’intérieur de ses peurs ! Il apparait soudain en ombre chinoise sur le papier blanc éclairé par une lampe, enserré dans une main aux longs doigts. On cherche la bonne place du petit personnage découpé pour qu’il soit le plus visible possible, de même que les longs doigts menaçants.

Enfin la chatoyante poétrice fait son entrée. On essaie de faire bouger tous ces légers papiers par les mouvements, le souffle, les froissements divers, faire trembler, frotter les pieds...
Des idées jaillissent en testant, en regardant, il faut chercher alors à les développer, à les agrandir.

Rejeu avec texte

Le rejeu est toujours une phase importante dans le travail avec les élèves qui essaient alors d’y intégrer les propositions formulées par les spectateurs.
On essaie de nouveau de faire vivre le monstre, ménager ses mouvements, ne faire apparaître qu’une tête ou un bras à la fois, voir comment ne laisser à chaque élève que la responsabilité d’un seul mouvement. Les têtes pourraient être recouvertes d’un collant noir. Chacun ne dit qu’un mot en cherchant à avoir la voix du costume. Quelle est la voix d’un sac en plastique noir ? Comme le monstre de l’histoire dépérit car il n’y a plus d’enfants à dévorer, ne pourrait-on pas le représenter en aplat ? ou faire que les sacs d’airs se dégonflent ?

Le chœur préhistorique se déplace en rythme, joue avec le costume, en particulier les cheveux, posture relâchée, voire même parfois à quatre pattes.
De nouvelles idées fusent autour de l’opposition du groupe de Touit et le la poétrice. On imagine qu’elle écrit les titres de ses poèmes en faisant crisser les feutres sur les ballons. Ceux-ci pourraient être gonflés à l’hélium, lestés à la base du fil et déposés en rang pour évoquer la distribution des poèmes dans les boites aux lettres. Et la bande des garçons encerclerait la jeune

fille et ferait éclater les ballons ? Mais peut-être que le papier aurait plus de sens finalement pour jouer de l’opposition entre la bande qui tweete et la fille qui écrit des poèmes ?
On rejoue les monstres de Timide, on cherche comment le petit Lucas sort de ses peurs et vient se poser en avant du chœur.

On range, mais en jouant !

On rejoue une dernière fois avec l’amas de costumes qu’il va bien falloir aussi ranger avant de partir. Valérie propose quatre situations de jeu. Quelques personnes acceptent de s’habiller ou de se faire habiller par un chœur d’habilleuses. On cherche comment on apporte les vêtements : pliés, dépliés, comme des êtres vivants, en bouchon...
Première consigne : le volontaire est au milieu de la scène, regard public. il se laisse habiller par les autres qui se succèdent pour lui mettre chacun un élément de costume. On voit alors la silhouette du garçon se féminiser dès qu’on lui passe une chaussure à talon et évoluer ainsi peu à peu.

Deuxième consigne : deux personnes cette fois regardent le public et elles se font habiller en même temps puis les habilleurs doivent les mettre en relation.

Troisième consigne : les vêtements doivent être proposés par un chœur à la personne qui s’habille. On assiste alors à un défilé de personnages avec le vêtement dans le dos accroché à un porte manteau comme si c’était la garde robe entière qui se déplaçait ! Il reste à jouer avec les

rythmes et les surprises : le chapeau arrive sur la tête et le porte manteau sous le bras. Ce tableau surréaliste pourrait se terminer avec la pomme de Magritte !

Quatrième consigne : la personne s’habille elle-même à partir des vêtements qui lui sont apportés par un chœur, mais sans voir. Seuls les spectateurs assistent au défilé des vêtements portés majestueusement et déposés sur le sol comme un individu morcelé, comme une ombre de couleur allongée. On cherche à varier les apparitions. L’acteur doit s’habiller le plus vite possible sur le rythme de « zoubisoubisou » !!

On termine par un dernier défilé de costumes en musique sur une diagonale qui va du plateau jusqu’en haut des gradins où se trouve le costumier. Et tout est rangé ! Incroyable !

Cercle de parole

« Epuisés ! », mais plein d’idées, en particulier, partir des propres habits des joueurs a fait l’unanimité. Si le choix de commencer un travail par le costume semble difficile, on reconnait que cela a de nombreux avantages. Les jeunes adorent les déguisements et commencer par le costume pourrait les désinhiber, faciliter l’entrée dans un autre que soi. On a constaté que le niveau de jeu a été plus élevé grâce au costume, est-ce le retour au plaisir de l’enfance ?
Créer les costumes ou partir des apports ou des propositions de vêtements ? Di
fficile pour certains de mettre trente élèves dans des conditions de fabrication. Pourtant passer par cette étape permet de réaliser des « costumes d’époques » avec des matériaux très éloignés des images attendues comme du papier kraft et non des peaux de bêtes pour des hommes préhistoriques. Mais on garde l’idée du tas de costumes dans lequel on va piocher. Il faut donc demander aux enfants d’apporter toutes sortes de fringues pour créer un costumier dans la classe !
Enfin, une idée pour le prochain stage est venue des derniers exercices : comment habiller un personnage sur scène ? Comment jouer avec les vêtements, faire théâtre de ce qui se passe généralement en coulisse loin des regards alors qu’on a pris un grand plaisir à voir les personnages naître sous nos yeux?

(150 photos illustrent cet après-midi, il suffit d’activer le lien. Mais hélas ! celles du matin seront à jamais les plus belles que j’aurais faites !! Le théâtre est un art de l’éphémère et ne se laisse pas toujours fixer dans les images !)